Mais où est donc passée la cellule tax shelter ?

Comme d’autres avantages fiscaux, le tax shelter connaît quelques dérives. Les contrôles mis en place par le fisc sont-ils efficaces ? Pas sûr du tout. Sous l’ancien régime, il existait une cellule administrative spécifique, qui a mystérieusement disparu.

La nouvelle loi tax shelter est récemment entrée en vigueur. Ce système fiscal avantageux est devenu, on le sait, la première source d’allaitement du cinéma belge. Sous l’ancien régime, il permettait à une entreprise privée d’obtenir une exonération fiscale de 150 % du montant investi dans une production cinématographique. Désormais, la nouvelle loi offre un double rendement fiscal, soit une exonération de 310 %. Donc, une société X qui investit 100 euros dans une production belge obtient une déduction fiscale de 310 euros.

Tout le monde semble gagnant dans l’histoire : les entreprises qui désirent investir leurs bénéfices plutôt que de payer l’impôt, le cinéma belge qui récolte par ce biais des dizaines de millions d’euros par an et même l’Etat pour qui la formule est indolore car, selon la loi, quasi tous les montants investis doivent être dépensés en Belgique. Donc, ce que l’Etat accorde d’un côté, il le récupère de l’autre, sous forme de TVA et autres taxes liées à ces dépenses. Indolore pour autant que le système tourne rond…

Or, ce n’est pas toujours le cas. Fin 2013, plusieurs journaux avaient révélé un système opaque, des détournements d’argent, des fraudes caractérisées et un système  » à la Madoff « . Ce n’est guère étonnant. Tous les systèmes avantageux sur le plan fiscal attirent les fraudeurs. Aucun n’est à l’abri de dérives. Les intérêts notionnels en ont fait les frais, eux aussi. Cela pose, dès lors, la question du contrôle. Ici, pour le nouveau tax shelter, le SPF Finances a annoncé la constitution, dès le 1er janvier 2015, d’une cellule spécifique au sein du centre de contrôle  » Grandes entreprises  » du fisc. Les recrutements sont en cours.

Mais quid de l’ancien régime ? Existait-il un contrôle particulier ? A-t-on renforcé les contrôles après les révélations des médias ? Lors des auditions de la Chambre sur la réforme du tax shelter, le 19 avril 2013, un inspecteur des Finances expliquait que les contrôles du fisc sont menés au niveau de chaque bureau régional par des agents n’étant pas spécifiquement formés pour ce faire. D’où l’intention du ministre de l’époque Steven Vanackere (CD&V) d’instaurer un contrôle centralisé par des agents spécialisés.

Cellule fantôme

Pas de cellule, donc. Curieux, car, dans le Plan de modernisation du SPF, datant de 2009, est clairement évoquée, en page 59, l’existence d’une  » cellule tax shelter  » comme étant un centre national, au même titre que la  » cellule prix de transfert « . Qu’est devenue cette cellule qui, visiblement, selon les auditions de la Chambre, n’existait plus en 2013 ? Pourquoi a-t-elle disparu ? Quels résultats a-t-elle obtenus lors de ses contrôles ? A-t-on chiffré tout cela ? On n’en trouve nulle trace dans les rapports d’activités du SPF Finances.

Nous avons également posé la question à l’administration fiscale. La réponse est d’un laconisme éloquent.  » La vérification de la législation en matière de tax shelter ancien régime reste du ressort des services Isoc (impôt des sociétés) actuels « , nous dit la porte-parole. Et la cellule évoquée dans le rapport de 2009 ? Pas de réponse. Quant aux dérapages dénoncés par la presse, il semble, selon d’autres sources, que seules les directions ISI (Inspection spéciale des impôts) de Gand et Anvers aient mis en route quelques contrôles. Côté francophone, c’est apparemment le vide complet. Cette atonie administrative interpelle. Question : la nouvelle cellule tax shelter sera-t-elle aussi fantomatique que la précédente ?

Thierry Denoël

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire