L’universalité au coeur du classicisme

Que penser de la notion d’ouvre classique ? Franca Serneels par e-mail

Quand on parle d’£uvre classique, on met en avant et le fond et la forme en faisant valoir que l’un et l’autre sont durables, qu’ils possèdent une manière de pérennité.

On entend par là que le thème d’un ouvrage dit classique (son fond) s’exprime dans une sorte de puissance originaire qui ne permet pas d’en rajouter. Autrement dit, l’essentiel des passions propres à ce récit-là a été abordé de façon plénière. Tout n’a pas été dit, mais tout ce qui pourrait être dit à ce propos se trouve en puissance dans l’£uvre en question. Ainsi, îdipe roi nous parle de l’aveuglement de l’homme de pouvoir ; Don Quichotte de la Manche met en scène l’empiétement d’un monde souhaité sur le monde réel et Madame Bovary illustre la frustration d’une petite-bourgeoise de province. En ce sens, ce sont des £uvres classiques.

Quant à la forme classique, elle désigne l’évidence de la perfection au sens où la forme d’un temple grec ne peut être améliorée. Il n’empêche, l’excellence de la forme classique doit être considérée d’une façon double et, jusqu’à un certain point, antagoniste. D’une part, dans l’enfermement propre à son temps et à la culture qui s’y réfère, la forme de l’£uvre û le style et tout ce qui va avec û participe à l’idée d’une beauté indépassable. D’autre part, l’affirmation de la perfection de cette forme, par rapport aux expressions ultérieures, tient plus d’un refus de la modernité (c’est-à-dire de l’actualité) que de l’idée claire d’une forme éternellement belle.

On peut donc parler de l’asymétrie du concept de classicisme. Alors que la capacité de développer les grands thèmes de la condition humaine est incontestablement un des attributs de l’idée de classicisme, l’aspect formel de cette notion, qui apparaissait de prime abord comme la plus essentielle, est en fin de compte la moins évidente. La raison en est que, si l’idée d’un thème (classique) possède quelque chose de défini, voire d’unique, son expression visible û sa forme, si l’on préfère û est diverse parce que s’affirmant à travers des êtres concrets. Ainsi, dans la mesure où le concept d’être humain est un (sinon, comment penser l’unité du genre humain ?), sa réalité se déploie dans la diversité de ses représentants. Davantage, si, au nom de l’habitude, de l’histoire, de l’idéologie, on s’employait à nier cette diversité, l’idée même d’humanité dans son unité serait mise à mal.

Le classicisme n’est pas une rengaine de la gent enseignante quand il désigne la qualité d’universalité de certaines £uvres mais devient académisme s’il est synonyme d’une volonté d’uniformité formelle.

par jean nousse

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