L’UCL, ce puissant propriétaire

Propriétaire du foncier, l’UCL est un acteur incontournable du développement urbain de Louvain-la-Neuve. Sa réelle influence suscite des interrogations. Car son réseau et ses relais, tous niveaux de pouvoir confondus, en font une institution difficilement contrôlable. La Ville l’a bien compris.

« Personne ne peut vraiment déterminer la puissance de l’UCL tant elle est importante. Ses relais sont nombreux dans tous les pans de la société et son influence souvent discrète mais efficace. Elle parvient presque toujours à atteindre ses objectifs.  » Lancée comme ça par ce grand patron d’une société du Brabant wallon, l’analyse pourrait pratiquement clore tous les débats. Sauf que si l’influence de l’Université catholique de Louvain sur le développement de Louvain-la-Neuve et de ses alentours fait beaucoup fantasmer, ils sont quelques-uns à tempérer ces propos.

 » Il ne faut rien exagérer, précise Philippe Barras, qui dirige l’Inesu, le bras immobilier de l’UCL. L’Université a bien évidemment un certain poids car elle est propriétaire des terrains. Et on ne peut pas forcer un propriétaire à ne pas faire ce qu’il souhaite. Mais la Ville joue un rôle majeur. Et l’UCL s’y soumet bien évidemment. Il s’agit d’un acteur de poids qui respecte les règles en vigueur.  »

N’empêche : la dizaine d’interlocuteurs interrogés, tous secteurs confondus, est unanime sur le poids de l’université.  » Une de ses forces est de pouvoir aller directement chez le ministre quand une décision ne lui convient pas, souligne ce membre du collège. Ce qui peut parfois créer des tensions car nous avons l’impression qu’elle outrepasse les règles.  » Et cet acteur influent du monde de l’urbanisme d’ajouter :  » L’UCL obtient effectivement souvent ce qu’elle désire en passant directement par ses relais à la Région wallonne. Pour les questions majeures, elle ne s’embarrasse pas de l’échelon communal ou même du fonctionnaire délégué. Elle dispose bien évidemment d’un immense réseau et possède des entrées un peu partout. Cela aide à accélérer certains dossiers ou à en débloquer d’autres.  »

Le Perwézien André Antoine (CDH), président du parlement wallon, est l’un de ces relais à la Région. Tout comme Carlo Di Antonio (CDH), ministre de l’Aménagement du territoire et proche de Philippe Barras. Sans parler de dizaines d’autres acteurs actifs dans des cabinets ou autres institutions.  » Toutes les portes s’ouvrent quand l’UCL demande quelque chose, martèle le conseiller communal Jacques Otlet (MR), bourgmestre de 1994 à 2000. Que ce soit à la Région, à la Communauté française ou à la Ville. J’ai l’impression que l’Université a encore plus à dire que du temps où j’étais bourgmestre.  »

La Région wallonne ne satisfait tout de même pas à toutes les exigences de l’UCL. En témoigne la dernière modification du plan de secteur, qui n’est pas spécialement favorable à l’Université.  » L’UCL n’obtient pas toujours ce qu’elle veut, témoigne ce spécialiste de l’aménagement du territoire. Regardez ce qui s’est passé avec la modification du plan de secteur qui n’a pas été dans le sens souhaité. Le lotissement de Chaumont-le-Neuf n’a pas vu le jour. Si l’UCL veut très logiquement valoriser son patrimoine, ce n’est toutefois pas à n’importe quel prix.  »

Les grands promoteurs et la dalle

Depuis son bureau situé entre l’Esplanade et la place des Sciences, Philippe Barras, en charge de la politique de développement urbain de l’UCL, est un acteur-clé. Il voit défiler chaque année des dizaines de promoteurs dans son bureau.  » Mais nous sommes loin d’accepter tous les projets « , précise-t-il. L’immobilier est un sujet qui fait en tout cas débat à Louvain-la-Neuve. Les chantiers s’y multiplient ces dernières années pour boucler la dalle.  » Les gros promoteurs ont toutes les clés du développement urbain à Louvain-la-Neuve, ajoute ce conseiller communal de l’opposition. L’UCL veut tellement valoriser son patrimoine immobilier qu’elle est prête à céder beaucoup de choses. Allez un peu demander aux communes voisines ce qu’elles en pensent…  »

Un promoteur, qui a actuellement pignon sur rue, raconte :  » Les exigences, sous forme de charges d’urbanisme déguisées, sont vraiment excessives. Après être passé dans les bureaux de l’UCL, propriétaire du terrain, on doit se rendre à la Ville, qui a également ses exigences. Cela fait beaucoup.  »

Il est coutume de dire que les promoteurs qui reçoivent le feu vert de l’UCL ont déjà réalisé 90 % du chemin. La Ville contredisant rarement son jugement.  » Dans le cadre de l’extension de L’esplanade, la SNCB et l’Université ont par exemple déjà listé leurs souhaits, note ce membre du collège. La Ville arrive dans un second temps. Les promoteurs ont donc souvent déjà puisé tout leur budget relatif aux charges d’urbanisme. On doit alors les obliger d’aller au fond de leur poche…  »

Cette influence réelle ou supposée amène évidemment son lot de rumeurs. Comme celle courant sur Philippe Barras, également conseiller communal à Chaumont-Gistoux, qui serait intervenu pour faire pression sur le cabinet Di Antonio pour refuser le schéma de structure de cette commune limitrophe. Sous prétexte que cet outil d’orientation était contraire aux intérêts de l’UCL et ne valorisait pas suffisamment ses terrains.  » Je m’inscris totalement en faux contre cette affirmation, s’insurge l’intéressé. La majorité chaumontoise essaie de créer des conflits d’intérêts là où il n’y en a pas. L’UCL est d’ailleurs très peu concernée par ce schéma de structure.  »

Autre exemple : un groupe d’investisseurs souhaite développer un éco-zoning dans la sablière de Mont-Saint-Guibert, à quelques centaines de mètres du parc scientifique de Louvain-la-Neuve. Une idée que l’UCL et l’Intercommunale du Brabant wallon voient d’un mauvais oeil. Le projet aura donc bien du mal à sortir de terre.

Par Xavier Attout

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