Louis XIV : une mort à grand spectacle

1715 : le Roi-Soleil rend l’âme… Au château de Versailles, une exposition retrace les étapes de la mort de Louis XIV et reconstitue, à coups d’effets éphémères mais spectaculaires, l’atmosphère lourde de ses derniers jours.

Le 1er septembre 1715, Louis XIV s’éteint à l’âge de 77 ans. Sans effort, comme une chandelle. Versailles est en deuil. Aucun monarque, sans doute, n’aura suscité autant d’études, d’intérêts, de passions que le Roi-Soleil. Et pourtant… Fabuleux paradoxe, sa mort est restée à l’écart des sentiers balisés par l’histoire. Le sujet fut, dès lors, moins facile à illustrer qu’on ne l’aurait pensé. Constat très étrange tant cette mort marque une rupture sociétale : Louis XIV incarnait le dernier rempart face au déferlement d’idées nouvelles auxquelles sa disparition put enfin laisser libre cours. Dès lors, comment est-il possible que les détails de ses funérailles soient si peu connus ? En réalité, cette absence de témoignages tient d’abord dans le caractère temporaire des manifestations liées au deuil. La plupart des emblèmes et ornements étaient voués dès leur création à un destin fugace. Ils relevaient de l’art de l’éphémère. Et puis la Révolution (et sa rage) est passée par là… En outre, le rituel lui-même n’avait pas retenu l’attention des historiens : il n’avait pas de contenu politique puisque les aléas de la transmission du pouvoir avaient été réglés bien avant le décès.

D’une grande rigueur scientifique, l’exposition se fonde sur un programme de recherches mené par une équipe pluridisciplinaire allant du médecin légiste au liturgiste, de l’historien médiéviste au contemporanéiste. Depuis trois ans, Béatrix Saule, directeur conservateur général du musée national du château de Versailles et commissaire de l’événement, et l’historien Gérard Sabatier ont mené de nouvelles études afin d’éclairer les zones d’ombres : la tripartition, le convoi funèbre, la musique, les dépenses, les comportements…

Le Roi est mort réunit des oeuvres d’art et des documents historiques collectés à travers le monde. Portraits d’apparat, statues et effigies funéraires, tombeaux, manuscrit du récit de l’autopsie du roi, pièces d’orfèvrerie, emblèmes, ornements et mobilier liturgique… Tout ce qui méritait d’être vu a été retenu. Avec toute son expertise, le metteur en scène Pier Luigi Pizzi compose ici un parcours à coups d’effets scénographiques. Il reconstitue le faste de ce grand  » spectacle  » baroque de manière historique en rappelant tout le protocole de l’époque. Les murs drapés de noir et la musique funèbre nous font presque oublier que nous sommes 300 ans plus tard. Une muséographie très évocatrice qui retrace, en neuf étapes, la progression chronologique des événements.

Les jours d’agonie

La visite s’engage sur une frise de médailles (ponctuée d’un portrait en cire) évoquant l’extrême longueur du règne de Louis XIV. Septante-deux ans ! OEuvres d’art et documents historiques racontent les détails de sa mort qui intervient de façon soudaine : des premières manifestations du mal le 10 août – personne alors ne s’inquiète pour une hypothétique sciatique – à son dernier souffle le 1er septembre. La gangrène progresse vite, sa jambe gauche noircit et dégage une odeur fétide. Le monarque souffre atrocement. Comme il a toujours vécu, il meurt en public, toujours soucieux du souvenir qu’il laissera. Ses derniers jours forcent l’admiration : il continue à assumer son  » métier de roi « , il arrête les modalités de sa succession, se confesse et adresse ses adieux à sa famille et ses fidèles. Eclairage passionnant sur les coulisses du pouvoir : ses conseils au dauphin, Louis XV, son arrière-petit-fils âgé de 5 ans. Des extraits de Si Versailles m’était conté et de L’allée du roi présentent la mort cinématographique de Louis XIV.

Le roi n’est plus

Le roi est mort… Que faire du corps ? La séquence suivante permet de découvrir une des pratiques les plus étranges des funérailles royales. A peine refroidie, la dépouille est ouverte, tripartie (corps, entrailles et coeur) et embaumée par les médecins. Une scène pour le coup bien documentée par les récits de témoins, les registres de l’administration et les procès-verbaux. La plaque de cuivre apposée sur le cercueil de Louis XIV (profané à la Révolution) est ici accompagnée d’instruments de chirurgie. Ensuite, le monarque défunt doit être présenté afin de recevoir les honneurs, hommages et prières.

Si certaines pièces des appartements sont tendues de noir, le deuil se traduit surtout dans l’habillement et les accessoires portés par les protagonistes de la Cour. Selon l’usage, les souveraines adoptent le noir, les rois portent le deuil en cramoisi violet ou pourpre. La réglementation est minutieuse, la hiérarchie visible. L’exposition revient sur toutes les variations que l’on trouvait à la Cour de France. Propos accompagnés de rarissimes accessoires conservés.

Saint-Denis, Notre-Dame de Paris…

Moment fort des funérailles royales, le convoi funèbre est évoqué à travers des recueils d’estampes mais aussi par un registre de fournitures (d’une incroyable abondance). Ces témoignages rappellent que le cortège est parti de Versailles en soirée pour arriver à l’aube à Saint-Denis, la basilique des rois. Quatre thèmes du faste des funérailles sont ici développés : l’abbaye royale de Saint-Denis, le décor de l’église transformée en salle de spectacle, la cérémonie et ses répercussions en France et à l’étranger. Soumis à la tripartition, le monarque repose dans trois sépultures distinctes : le corps à Saint-Denis, les entrailles à Notre-Dame de Paris et le coeur dans l’église des Jésuites de la rue Saint-Antoine à Paris. Une façon de multiplier les lieux où honorer le défunt roi.

Durant la Révolution, la nécropole royale sera soumise au vandalisme des révolutionnaires, les caveaux des rois ouverts et leurs restes dispersés (raison pour laquelle l’exposition fut si périlleuse à monter). Et pourtant, malgré le bouleversement des idées, le nouveau régime politique conserve une bonne partie des rites monarchiques qui survivent pour être recyclés lors des funérailles des présidents de la République. Une rupture dans la continuité. En guise d’épilogue, des murs d’images présenteront des extraits de reportages filmés à l’occasion des funérailles des grandes personnalités des XXe et XXIe siècles. Un parcours dynamique et semé de coups de théâtre. Une exposition bien vivante !

Le Roi est mort, auchâteau de Versailles. Jusqu’au 21 février 2016. www.chateauversailles.fr

Par Gwennaëlle Gribaumont

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