Pas moins de 70 artistes de 1850 à nos jours, peintres, photographes et vidéastes sont réunis au Musée d’Ixelles autour du thème du paysage belge. Confusion au programme.
L’exposition débute, assez curieusement, par une leçon de géographie nationale. La nature change, nous expliquent textes, chiffres et graphiques. Elle évolue. Lentement, le plus souvent, lorsqu’il s’agit des effets naturels eux-mêmes (climat, mouvements telluriques, creusement de vallées…). Plus rapidement, lorsque l’homme l’aménage ou la détruit. Mais, comme le rappelait le paysagiste français Gilles Clément (Belvédère, éd. Tarabuste), la manière d’envisager le paysage diffère selon qu’on est paysan, jardinier, économiste, urbaniste, botaniste, notaire, architecte ou encore militaire. Finalement, c’est le regard singulier du poète en soi, » emporté par une musique secrète » qui crée le paysage. Donc, aussi celui de l’artiste en ses capacités d’émerveillement.
Et des regards de ce type, on en trouve dans le parcours proposé par le Musée d’Ixelles, surtout dans les oeuvres réalisées par des peintres qui, avec patience, après avoir posé leur chevalet dans la terre, » respirent » la nature qui les environne tout en déposant touche après touche, ce qui deviendrait à son tour non pas une image mais un autre paysage. Lorsqu’Emile Claus et Anna Boch peignent les dunes en plein soleil, ils sont bien au milieu d’elles. Comme Henri Van der Hecht quand il observe les reflets de la Lesse à Anseremme. Certains s’identifient avec leur sujet. On songe à James Ensor ou Thierry De Cordier et la mer ou encore, à Constant Permeke face à un brise-lames, voire à Degouve de Nuncques ou Spilliaert qui ne sont jamais aussi justes que lorsqu’ils rêvent à la nuit. Mais force est de constater qu’au vu des sélections opérées par les commissaires, cette intensité des liens se dilue au fil des décennies. Les nuages de Magritte sont bien peu de choses ressenties face à l’expérience proposée par Maurice Pirenne. Que d’absents dans la partie la plus actuelle sauvée, il est vrai, par les forêts de Jean-Pierre Ransonnet et les photographies de Jacques Vilet, du tandem Felten et Massinger ou encore d’Hervé Charles !
Dans ce parcours thématique, les périodes se mêlent même si, dans certains chapitres, l’essentiel est nourri par une seule d’entre elles comme dans les sections réservées aux » nocturnes » et à l’abstraction des années 1950-1960. Ainsi, Louis Van Lint qui titre une de ses oeuvres Le Jardin ou Mig Quinet inspirée par le souvenir d’une visite au gouffre de Padirac. On pourrait, selon une approche plus historique, réduire l’importance du lien sensible d’un créateur avec la nature et rappeler combien le genre du paysage en Belgique illustra un besoin de revendication identitaire (la nation belge entre 1850 et 1900) ou politique (des charbonnages de Pierre Paulus à Jacques Charlier). On peut enfin parcourir l’exposition en cherchant à retrouver les images de lieux visités et parfois demeurés identiques. Mais ce serait là réduire la peinture à un document. Ce qu’elle n’est pas.
Paysages de Belgique, au Musée d’Ixelles. Jusqu’au 20 septembre. www.museedixelles.irisnet.be
Guy Gilsoul