L’INTERNATIONALE DE LA PELLICULE

Actuel directeur de la Cinémathèque royale de Belgique, à Bruxelles, Nicola Mazzanti, fut aussi à l’initiative du lancement du laboratoire de Bologne.

« Lorsqu’on a commencé à monter le laboratoire de Bologne en 1992, on avait un point de référence absolu : la Cinémathèque royale de Belgique. Notre première machine venait d’ailleurs de Bruxelles qui nous avait également délégué un expert de la restauration pendant plusieurs mois. A nos débuts, tout cela était hyperartisanal et fait sans argent.  » Nicola Mazzanti, directeur depuis janvier 2012 de ce qui s’appelle désormais la Cinematek, est un fin connaisseur du marché international de restauration de films.  » Les années 1980 n’étaient pas une période glorieuse, on parlait même de « mort du cinéma ». Et puis Coppola, en 1981, a restauré le Napoléon d’Abel Gance avec son propre argent, demandant à son père Carmine une nouvelle musique, et en 1984, Giorgio Moroder a composé la BO du Metropolis de Fritz Lang, restauré et ressorti en salles. Il y avait quelque chose dans l’air.  »

Quand Bologne s’attaque à son tour à un classique du muet – le Nosferatu de Murnau (1922) – le film restauré est présenté, en grande pompe, au Festival de Cannes 1995. Autre moment décisif, lorsque Ted Turner, magnat des médias américains, lance en 1988 TNT (Turner Network Television) avec Autant en emporte le vent : le  » cinéma de répertoire  » devient un genre couru et potentiellement juteux. Nicola Mazzanti, qui a travaillé entre 2007 et 2011, sur un grand projet de centre de conservation des films à Los Angeles, précise la stratégie américaine :  » Aux Etats-Unis, l’industrie s’occupe généralement de choses qui peuvent rapporter de l’argent (sourire), comme lors du rachat du catalogue Columbia par les japonais de Sony. La grande différence entre l’Europe et les Etats-Unis, c’est que là-bas, la plus grande partie des investissements dans la restauration vient des studios, avec l’aide du mécénat. En France par exemple, à part deux ou trois opérateurs comme Pathé ou Gaumont, les producteurs n’ont pas les moyens de se lancer seuls dans ce type d’opération. L’argent public reste donc essentiel.  »

En 2014, la cinémathèque belge a restauré treize longs-métrages, un chiffre flatteur si l’on considère la taille de l’équipe bruxelloise : 4 personnes contre 80 à Bologne.  » On possède 75 000 films, dont 17 000 oeuvres belges, confirmant que le cinéma de ce pays est formidablement vivant et productif, souligne Nicola Mazzanti. Certes, parmi les 200 000 copies en notre possession – c’est-à-dire à peu près un million de boîtes… – il y a aussi un Anderlecht-Standard de 1948 qu’on ne restaurera sans doute pas, on se contentera de le numériser.  » Devant le défi technique de la numérisation – 28 000 objets du genre dans les dépôts de la Cinematek – il est clair que d’autres solutions de stockage devront être adoptées. Aujourd’hui, une bonne partie des précieuses collections de la Cinémathèque royale est parquée dans un ancien garage ixellois, nullement conçu pour une température et une hydrométrie calibrées.  » Oui, on a besoin d’investir, conclut Nicola Mazzanti mais le défi n’est pas seulement là : je crains que le marché international du cinéma ne soit trop petit pour développer des solutions de conservation durable, puisque le format digital ne cesse de changer. Il faudrait pouvoir profiter d’autres secteurs comme celui de la santé et de l’imagerie médicale, qui ont bien plus de moyens, pour savoir comment collecter et conserver le patrimoine du cinéma.  »

www.cinematek.be

Ph. C.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire