L’inévitable facture du photovoltaïque

La Wallonie entend bien faire payer les détenteurs de panneaux photovoltaïques pour l’électricité qu’ils injectent dans le réseau. C’est du moins la thèse que défendra le ministre de l’Energie, Paul Furlan (PS), devant le gouvernement. Nouveau bras de fer en vue avec le lobby TPCV.

Le verdict livré par la Cour d’appel de Liège, le 30 juin dernier, résonnait comme une première victoire pour l’asbl Touche pas à mes certificats verts (TPCV) et ses 17 000 membres. Celle-ci s’opposait au projet de tarification visant à mettre à contribution les propriétaires de panneaux photovoltaïques pour l’électricité qu’ils injectent dans le réseau. L’intention de la Commission wallonne pour l’énergie (CWaPE), estime la Cour, s’oppose à la logique portée par le gouvernement, lorsqu’il a introduit le principe de compensation. Depuis 2007, ce mécanisme permet aux détenteurs de panneaux de soustraire l’électricité injectée dans le réseau de leur relevé annuel.

La fin de la trêve estivale laisse augurer un nouvel affrontement autour du photovoltaïque. D’un côté, TPCV défend fermement l’intérêt des particuliers qui ont investi sur la base des prétendues garanties du gouvernement wallon. Celles-ci ont commencé à vaciller fin 2012, lorsque la bulle des certificats verts a éclaté, révélant un surcoût de 2,5 milliards d’euros. En 2014, la réduction de la durée d’octroi des certificats verts, passant de 15 à 10 ans avec un effet rétroactif pour 80 000 ménages, a considérablement accentué la vague de résistance centralisée par TPCV (lire également l’encadré ci-dessous). De l’autre côté, la CWaPE, en tant que régulateur wallon, élabore les tarifications à partir des contraintes du marché de l’électricité. Les deux camps répondent dès lors à des préoccupations antagonistes.

Une riposte, coûte que coûte

Malgré la récente décision de justice défavorable à la CWaPE, son président Francis Ghigny maintient qu’une mise à contribution des prosumers – à la fois producteurs et consommateurs d’électricité – reste d’actualité.  » Si le gouvernement redéfinit les rôles de chacun dans son décret tarifaire, nous aurons répondu aux critiques de la Cour d’appel, commente-t-il. Dans le cas contraire, nous devrons opter pour une autre formule, produisant le même effet que le projet initial.  » Sans en dévoiler la teneur à ce stade, la CWaPE assure que plusieurs pistes sont en cours d’analyse pour préparer la riposte éventuelle.

En aura-t-elle besoin ? Interrogé par Le Vif/L’Express sur ce dossier sensible, le ministre wallon de l’Energie Paul Furlan (PS) invoque la notion de l’intérêt général face aux intérêts défendus par TPCV.  » Il faut bien se rendre compte que tout avantage profitant aux détenteurs de panneaux photovoltaïques, dont font partie les 17 000 membres de TPCV, est répercuté sur la facture de 3,2 millions de consommateurs wallons, souligne- t-il. Je ne peux pas devancer la décision finale que prendra le gouvernement. Mais la thèse que je défendrai est claire : les détenteurs de panneaux photovoltaïques devront à l’avenir participer aux frais de réseau.  » Comment ? La question sera tranchée durant le dernier trimestre de 2015, lorsque la proposition liée aux lignes tarifaires sera examinée par le gouvernement wallon.

Le principe de compensation en péril ?

Cette annonce liée à la contribution des prosumers s’oppose résolument aux revendications de TPCV. Epaulée depuis sa création en 2013 par le cabinet d’avocats Misson, l’asbl envisage déjà de riposter si le gouvernement wallon maintient le cap.  » Nous sommes ouverts à la discussion et nous pouvons venir avec des propositions concrètes, rappelle Régis François, président de TPCV. Mais ce qui a été convenu et promis au départ doit persister : il faut garder une compensation absolue.  » TPCV reste d’autant plus vigilante depuis que la Cour d’appel de Liège a soulevé la nécessité de redéfinir les missions précises de la CWaPE.  » Pour y parvenir, le gouvernement wallon devra changer le règlement technique, poursuit Régis François. Or, une telle révision pourrait ouvrir la voie à une nouvelle décision inacceptable, c’est-à-dire la suppression pure et simple du principe de compensation. Si tel est le cas, TPCV introduira un nouveau recours. Ce sera un terrain glissant à l’approche de la campagne pour les élections communales de 2018.  »

Le gouvernement osera-t-il revenir sur le fameux principe de compensation ? Sans trancher la question à ce stade, Paul Furlan n’exclut visiblement pas une telle hypothèse, en dépit de l’avertissement de TPCV.  » Ma mission, c’est de défendre la décision du gouvernement visant à garantir un rendement de 7 % sur les investissements photovoltaïques, déclare-t-il. En fonction des circonstances, il faudra prendre les mesures nécessaires pour y parvenir. On ne peut pas interdire à TPCV de défendre les intérêts de ses membres. Mais refuser de contribuer au coût d’un réseau qu’ils utilisent également, cela relève de l’égoïsme primaire.  »

Pour l’année 2015, le budget de TPCV, bâti sur les cotisations de ses membres et de ses réserves financières, s’élève à 143 000 euros. Plus de la moitié du montant est dédié aux frais d’avocat. De quoi couvrir largement une nouvelle riposte contre la future ligne de conduite du gouvernement wallon.

Par Christophe Leroy

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