Ex-danseur des Ballets du XXe siècle, chorégraphe espagnol mondialement réputé, Victor Ullate revient à Bruxelles après vingt ans d’absence. Avec un programme à tomber.
Son apprentissage d’interprète l’a projeté auprès de la star du flamenco Antonio (à ne pas confondre avec Antonio Gades) et de George Balanchine, pionnier du ballet aux Etats-Unis, puis, pendant quatorze ans, chez Maurice Béjart. Devenu chorégraphe, il crée, en 1988, le Victor Ullate – Ballet Madrid et se consacre parallèlement à l’enseignement. Le rendez-vous bruxellois sera un voyage en quatre étapes dans l’univers de cet artiste exceptionnel qui apprivoise admirablement l’académisme classique avec la fougue espagnole.
Le Vif/L’Express : Le programme débutera avec Après toi, un hommage à Maurice Béjart…
Victor Ullate : Maurice est décédé en 2007. Lors de ses funérailles dans une église à Lausanne, nous avons entendu notamment la 7e Symphonie de Beethoven. A ce moment, je me suis promis que je ferais un solo à sa mémoire. J’ai passé quatorze ans à Bruxelles, comme danseur des Ballets du XXe siècle. Maurice m’appelait toujours » mon petit Victor « . Il était un exemple pour tout le monde, il était notre père à nous tous. Les Ballets, c’était sa famille, le théâtre, sa maison. C’est mon fils Josué qui danse le solo dans Après toi.
Le Boléro de Ravel, vous le dédiez aussi à Béjart et également à Serge Diaghilev. Pourquoi ?
Comme Béjart, je voulais faire » mon » Boléro à moi. C’était un défi énorme. J’ai conçu un théâtre dans un théâtre. On va entrer dans un cabaret où, pour commencer, il y aura deux danseurs et, à la fin, vingt-deux. Le spectacle dégage une grande charge sensuelle. Pourquoi le dédier aussi à Diaghilev ? Car Ravel a composé Boléro en 1928, à l’époque de Diaghilev, fondateur des Ballets russes. C’est une époque très glamour que j’aime beaucoup. Diaghilev était l’un des inventeurs du nouveau langage de la danse, notamment en la dépouillant de son image exclusivement féminine. Plus tard, Maurice Béjart a aussi revendiqué la place centrale de l’homme dans les ballets.
Deux mots sur les autres créations…
Jaleos est basé sur le flamenco et plus précisément sur une bulería. C’est un ballet très espagnol, avec des techniques classiques. Son succès ne se dément pas depuis seize ans. Le Chant du compagnon errant a été chorégraphié par Eduardo Lao, sur une musique de Gustave Mahler. Le danseur y sculpte l’humanité et la destinée et son lien avec l’éternité.
Comment êtes-vous venu à la danse ?
Enfant, j’ai vu un spectacle d’Antonio. Comme lui, je voulais devenir un danseur de flamenco, mais à Saragosse, la ville où je suis né, il n’y avait pas d’école de flamenco, juste une école de danse classique. Je m’y suis inscrit, il n’y avait que des filles, j’étais le seul garçon. A l’époque, c’était insensé en Espagne ! Puis, j’ai rencontré Antonio, il m’a engagé tout de suite. On faisait des tournées magnifiques, en Europe, à New York, en Californie. En 1965, les Ballets du XXe siècle sont venus à Madrid. Avec beaucoup de culot, j’ai forcé la porte de Maurice Béjart. Quelques semaines plus tard, nous avons signé le contrat. Je suis arrivé à Bruxelles et j’ai franchi les portes de La Monnaie le 6 septembre 1965. La première personne que j’ai vue, c’était Jorge Donn, le plus célèbre soliste ! J’ai quitté Bruxelles en 1979 et me réjouis d’y retourner.
Au Cirque Royal, à Bruxelles, les 15 novembre (à 20h30) et 16 novembre (à 16 heures). www.ballets.be
Entretien : Barbara Witkowska