Levée de voile

On pourrait écrire un livre sur le Christ et la femme, et on l’a sans doute déjà fait. Un ouvrage sur l’enfant Jésus et la femme serait probablement plus difficile à dénicher. […] Il est notoire que le Christ l’a défendue contre les diktats des mâles : l’épisode de la lapidation est, justement, célèbre sur la question. Mais… s’il avait cherché à l’affranchir dès son plus jeune âge ?

Un tableau apporte peut-être une piste de réflexion en la matière. Bien qu’il semble aborder un sujet abondamment traité de nos jours, il daterait du XIVe siècle et est conservé dans le baptistère de Parme, à l’écart cependant de l’abondance de fresques qui couvrent l’intérieur de l’édifice du sol au sommet de la voûte.

Aux dires d’une étudiante qui, lors de ma visite, était chargée de répondre aux interrogations des touristes, l’enfant Jésus serait représenté  » en train de jouer avec l’écharpe de sa mère « . Le port du vêtement indiqué par la jeune fille était fort improbable dans la Palestine d’il y a deux mille ans, mais on sait que les peintres d’antan avaient coutume de vêtir leurs personnages à la mode de leur propre temps, du XIVe siècle donc, et à Parme, en hiver, il n’est pas impossible qu’on portât des écharpes.

Personnellement, j’ai cru y voir bien autre chose, peut-être parce qu’à l’instar des peintres susmentionnés, le spectateur que je suis a adapté sa vision au temps présent : Jésus essaie d’enlever de la tête de sa mère le voile qui couvre sa chevelure. La femme résiste, non, cela n’est pas permis. Question anticonformisme, elle a déjà accepté de porter un enfant sans être mariée, alors faut pas pousser ! On veut croire que son fils a quand même insisté ; sinon, comment un peintre aurait-il été informé d’une audace passagère ?

L’histoire de l’art ne nous dit pas qui a peint ce tableau. Le soleil, lui, ne manque pas de le mettre en valeur. A une certaine heure du jour, l’astre, entrant par l’une des rares ouvertures du baptistère, l’éclaire dans son entier. C’est l’heure où ce geste m’a cloué sur place. Si le soleil ne me l’avait pas montré du doigt dans cet océan de fresques, l’aurais-je remarqué ? François d’Assise avait raison, dans son Cantique, de placer  » messire le frère Soleil  » au sommet de sa hiérarchie des créatures : parce que, de Dieu,  » il porte la signification « .

Un signe, voilà ce que le soleil m’a fait, à ce moment-là, dans le baptistère de Parme, ville du jambon qui, entre nous, n’est vraiment plus ce qu’il était.

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Jean-Pierre Pisetta, Bruxelles

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