Les va-et-vient des journalistes

L’adieu d’Anne Delvaux à la RTBF a beaucoup surpris. Les soupçons de politisation du service public renaissent. A tort ou à raison ?

Le pire, c’est qu’a posteriori on jette le soupçon sur la RTBF, en insinuant que l’orientation politique d’Anne Delvaux préexistait, s’insurge Hervé de Ghellinck, responsable du service politique de la Une. Très franchement, j’ai beaucoup travaillé avec elle. Je connaissais sa sensibilité humaine. Mais démocrate-humaniste, jamais ! Personnellement, je ne sais pas comment vote Nathalie Maleux, qui lui succède à la présentation des JT du week-end. Car les choses ont beaucoup évolué depuis vingt ans. Un journaliste qui exprimerait une ligne idéologique commettrait une faute professionnelle. Malheureusement, des téléspectateurs restent encore persuadés du contraire…  »

Plaidoyer pro domo ? Michel Konen, ancien chef de la rédaction du JT et actuel rédacteur en chef de La Libre Belgique, assure n’avoir  » jamais reçu un coup de fil de l’administrateur général pour relayer une pression politique « . En revanche, il  » s’est disputé avec tout le monde, en politique, mais jamais publiquement « , pour défendre son indépendance rédactionnelle.  » Le tournant s’est produit au milieu des années 1980, explique-t-il. Le Soir a publié la cartographie des affiliations politiques supposées des journalistes de la RTBF. L’émoi a été tel que ces quotas politiques ont été abandonnés.  » Les opinions de certains journalistes sont néanmoins connues – François De Brigode, par exemple, ne cache pas sa proximité avec le PS. Mais c’est loin d’être la règle, y compris pour des fonctions sensibles comme celle de l’animateur de Mise au point, Olivier Maroy, qui eut, un jour, l’honneur d’être rudoyé verbalement par Elio Di Rupo.

Les mauvaises langues disent que les opinions socialistes s’affichent plus volontiers que les autres.  » Hormis une certaine déférence à l’égard d’Elio Di Rupo, de Didier Reynders et de Joëlle Milquet, je ne constate qu’une très grande soumission aux idées du moment, mais rien qui relève spécialement de la particratie « , relève Alain Vaessen, président de l’association des journalistes de la RTBF. Le travail de Françoise Baré, dans la couverture des  » affaires  » de Charleroi, a été exemplaire. Une télévision aux ordres des QG des partis en aurait été bien incapable.  » Les décisions se prennent collectivement en réunion de rédaction, explique Alain Vaessen. Il est techniquement difficile d’interférer dans ce processus.  »

Reste que, selon plusieurs sources, la politique de la main tendue à l’égard de la Flandre, après le scénario-fiction télévisé du 1  » décembre 2006 sur l’éclatement du pays, serait venue d’  » en haut « . Et que, en bons petits soldats, les journalistes de la RTBF ont suivi. Car la hiérarchie du service public, elle, reste légalement  » politisée « . Dans la foulée du plan Magellan, en 2004, un décret de la Communauté française a, en effet, étendu l’application du Pacte culturel (répartition des mandats en fonction du poids électoral des partis) aux directeurs de chaîne, et non plus seulement aux directeurs généraux. On se souvient du retour d’Alain Gerlache, soutenu par le MR, à la direction de la télévision, après un passage remarqué au cabinet du Premier ministre Guy Verhofstadt. Mais, au moins, n’a-t-il plus officié comme journaliste politique… Les apparences étaient sauves.

Marie-Cécile Royen

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