» Les socialistes se comportent comme des hooligans « 

Le vice-Premier ministre Open VLD dénonce l’agressivité du PS. Il impute les raisons de sa nervosité à la mobilisation sociale :  » La FGTB est en train de se faire reprendre par le PTB.  »

Le Vif/L’Express : Le début de législature de votre suédoise est brutal, avec des critiques très vives, surtout du côté francophone, et une mobilisation syndicale très vite partie en flèche…

Alexander De Croo : Quand Charles Michel et Kris Peeters ont été désignés coformateurs, les premiers invités, c’étaient les partenaires sociaux. Les syndicats n’ont pas voulu venir. Finalement, Michèle Sioen, présidente de la Fédération des entreprises de Belgique, est venue seule. Cela démontre que ces critiques ne sont pas basées sur le contenu de notre programme.

Il y avait un procès d’intention ?

Voilà, un procès d’intention. Dans l’accord gouvernemental, il y a un appel à la concertation sociale pratiquement à chaque page, en précisant notre volonté de procéder sur une base tripartite. En réponse, on nous annonce que l’on va bloquer le pays. Je trouve ça un peu difficile…

Irresponsable ?

Je n’utiliserais pas ce mot, non. Le droit syndical est un droit fondamental. Mais c’est une réaction impulsive. Les syndicats nous disent que cette concertation est inutile parce que tout est déjà décidé. Ce n’est pas vrai. L’accord gouvernemental fixe les grandes lignes, mais on peut tenir compte des situations, on vient de le démontrer dans le cas des prépensions dans le secteur de la construction. Mais notre gouvernement doit se justifier par rapport à onze millions de Belges et fixer les grandes orientations. Les syndicats doivent se justifier face aux syndiqués, ce n’est pas la même chose. Si d’avance, on dit qu’on ne veut pas discuter, c’est dommage. Ce gouvernement a une légitimité démocratique, on ne peut pas affirmer le contraire.

En réponse, certains députés N-VA veulent mettre sur la table la responsabilité juridique des syndicats. Cela vous semble justifié ?

Honnêtement, ce n’est pas l’élément crucial aujourd’hui. Mais dès lors que les syndicats se mettent à briser des vitres au quartier général du MR, cela témoigne d’une irresponsabilité qui mène à ce genre de discussions. Il faut regarder tout cela dans un contexte plus large. On ne peut pas dire que le PS a montré le bon exemple…

Le PS adopte effectivement un ton très dur à votre égard…

Les socialistes essaient de transformer le Parlement en stade de foot, en se comportant comme des hooligans. C’est quand même la moindre des choses de permettre au Premier ministre de s’exprimer quand il monte à la tribune. On peut ne pas être d’accord avec ce qu’il dit, mais quel exemple démocratique donne-t-on au reste du pays quand les élus refusent de laisser parler l’autre ? Tout cela montre une frustration et une impuissance énormes. Cette frustration, je vois d’où elle vient. Le PS a essayé de se lier avec le CDH, tous deux perdants de l’élection, pour se rendre incontournables et forcer une tripartite. Cela n’a pas fonctionné… Cette nervosité grandissante est aussi liée à ce qui se passe à la FGTB, car celle-ci est en train de se faire reprendre par le PTB, c’est très clair. Ce à quoi l’on assiste n’est pas très digne. Ce n’est pas dans la tradition belge d’avoir un Premier ministre sortant qui s’exprime de façon tellement violente. Quand il était au 16 avec nous, Elio Di Rupo nous a sortis du marécage communautaire. Maintenant, alors que notre gouvernement exclut l’institutionnel, il mène une opposition purement communautaire.

Aviez-vous conscience du ressentiment francophone à l’égard de la N-VA, littéralement diabolisée par certains ?

Diaboliser, c’est le bon mot. On essaie de créer une image qui n’est pas la réalité.

Mais la N-VA ne vous aide pas avec les déclarations sur la collaboration, la participation de Theo Francken à l’anniversaire controversé de Bob Maes, la nomination de Matthias Storme, opposant à la loi anti- discrimination, au Centre inter- fédéral pour l’égalité des chances…

En ce qui concerne la collaboration, la N-VA a été très claire en condamnant une faute. L’opposition essaie de jouer l’homme, très bien, peut-être va-t-elle le faire pendant cinq ans. Mais cela ne m’impressionne pas. Pendant ce temps-là, nous allons nous occuper d’autre chose.

N’y a-t-il pas un malaise, malgré tout ?

Quand on s’attaque à la N-VA, on essaie surtout de s’attaquer au MR et à Charles Michel. C’est du billard à trois bandes. Il y a, c’est vrai, un élément nouveau en Belgique : nous avons à nouveau un Premier ministre francophone mais, cette fois, il est apprécié en Flandre, il s’exprime bien en néerlandais, il comprend bien ce qui se passe dans les deux parties du pays. C’était moins le cas des deux Premiers ministres francophones précédents, Elio Di Rupo et Edmond Leburton.

Charles Michel a surtout compris ce qui s’exprime en Flandre, avec des accents libéraux, mais aussi conservateurs…

Conservateurs ? Dans quel sens ?

Sur le plan sociétal, notamment en matière d’immigration, compétence gérée par la N-VA.

Je ne suis pas d’accord. Des procédures courtes en matière d’asile, qui donnent rapidement de la transparence aux gens sur leur avenir, est-ce conservateur ? Non. Des procédures longues, laissant des gens dans l’incertitude, ce serait une politique progressiste ? C’est une définition bizarre. Comment un gouvernement investissant dans l’emploi pourrait-il être conservateur ? Non, je ne suis pas d’accord. Ne rien faire, voilà ce qui est conservateur.

Ce climat social et politique délétère renforcera-t-il votre conviction ?

Le plus important, c’est que l’accord gouvernemental est cohérent. Il y a moins de risques de tensions qu’avant entre les partis de la majorité. Pour l’Open VLD, une telle majorité avec un Premier ministre libéral, c’est confortable. A nous d’expliquer notre action. Aux syndicats, je dis que si nous ne prenons pas ces mesures pour la croissance économique, ceux qui sont dans les rues à réclamer seront les derniers à profiter des avantages sociaux. On ne peut pas avoir un paradis social dans un cimetière économique. Mais je dis l’inverse, aussi : je ne veux pas d’un paradis économique dans un cimetière social.

Mais vous décidez des économies fortes, pas toujours claires, à la SNCB par exemple !

Il y a eu un peu de confusion, c’est vrai. Il faut admettre que ce gouvernement a une composition assez inattendue pour la Belgique. Cela génère des petits problèmes à la mise en marche, mais cela n’a pas de conséquences graves.

Y aura-t-il des décisions douloureuses ?

Il y a évidemment des mesures difficiles à prendre, mais on ne peut pas dire que l’on fait des coupes claires sans regarder ce qui se passe. Il y a un saut d’index, oui, mais on utilise l’enveloppe bien-être à 100 %, on fait des corrections sociales…

Du côté francophone, certains affirment que la N-VA veut amaigrir l’Etat, introduire une dimension interfédérale, pour mieux préparer les étapes suivantes…

C’est une caricature, à nouveau. Tout le monde fait des efforts. Quelle est l’alternative ? Mener une politique comme en France ? Quand François Hollande a été élu, je me rappelle comment Paul Magnette et Elio Di Rupo se disaient fiers. Ils le sont un peu moins aujourd’hui…

Pour les syndicats, un des points noirs, c’est l’effort important réalisé en sécurité sociale.

Mais arrêtons les caricatures ! Lors des deux dernières années, avec Laurette Onkelinx à sa tête, la norme de croissance effective de la sécurité sociale était de 1 %. Nous faisons 1,5 %. Oui, par rapport à une norme théorique de 3 %, c’est beaucoup d’argent, mais pourquoi reviendrions-nous en arrière ? Certains socialistes oublient vite les politiques qu’ils ont menées…

Avez-vous peur de vous couper d’une partie importante de l’opinion publique francophone ?

Il n’y a qu’un parti francophone, c’est vrai, mais ce gouvernement dispose de la confiance du Parlement. On verra dans cinq ans si les gens sont satisfaits de notre action. Je suis ministre fédéral et je compte bien expliquer notre action devant tous les Belges. Je suis Flamand, mais pas nationaliste.

Le fait qu’il y ait un parti nationaliste à bord accentue-t-il cette responsabilité-là ?

C’est à la N-VA de voir. Mais ses ministres sont légitimes par rapport à la Belgique.

Propos recueillis par Olivier Mouton

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