LES PIÈGES DE LA GUERRE CONTRE L’ÉTAT ISLAMIQUE

Barack Obama a été élu à la présidence des Etats-Unis en 2008 sur la promesse d’une rupture avec la politique de George W. Bush. Elle devait notamment se traduire à l’international par le désengagement d’Irak et la restauration du multilatéralisme après une guerre aux répercussions calamiteuses. Aujourd’hui, à mi-parcours de son dernier mandat, le locataire de la Maison-Blanche est contraint de relancer une opération militaire en Mésopotamie et n’est pas pressé de la faire entériner par le Conseil de sécurité des Nations unies. Obama pourra-t-il éviter les erreurs de son prédécesseur ?

Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan et d’Irak a donné de Barack Obama l’image, confortée par l’octroi hâtif en 2009 d’un prix Nobel de la paix, d’un président non belliciste et prioritairement attaché à relever les défis intérieurs de l’Amérique. Mais, à vrai dire, il n’a jamais clos  » la guerre contre le terrorisme  » de l’ère Bush. Il l’a poursuivie d’une autre manière, pas plus respectueuse du droit international : assassinats ciblés, attaques par drones, bombardements aériens, bavures aux dépens de civils en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen, en Somalie… Dernier exemple en date : l’assassinat sur la base de renseignements fournis par les Français d’Abdi Godane, le chef du mouvement islamiste des shebabs somaliens à 170 km de Mogadiscio le 1er septembre. Depuis l’application de cette  » doctrine Obama  » qui a l’avantage de projeter de la puissance militaire sans projeter de la vulnérabilité, il n’y a guère eu qu’Amnesty International et quelques ONG pour s’inquiéter des implications de ces exécutions extra-judiciaires sur le droit international et la souveraineté des Etats. Les alliés des Etats-Unis n’en ont pipé mot.

Guerre ou chasse à l’homme ? La réflexion mérite d’être posée alors que l’opération qui va s’intensifier contre l’Etat islamique, sans troupes au sol, semble devoir prendre les mêmes contours. Les violences barbares perpétrées par les islamistes à l’égard des otages occidentaux et envers les minorités chrétiennes et yézidies empêchent toute compassion vis-à-vis de leurs auteurs et inspirateurs. Le dégoût et la peur de la contagion sont tels qu’aucun Etat ne conteste véritablement la nécessité de mettre fin à leurs agissements. Mais la cause a beau être juste, l’opération qui la soutient n’est pas pour autant promise à un inéluctable succès. Elle ne doit pas être précipitée et mal préparée, céder à la soif de vengeance et déroger aux règles internationales. Les récentes expériences afghane, irakienne et libyenne démontrent à suffisance combien une intervention occidentale peut ajouter du chaos au désordre et créer des bourbiers dont se nourrissent les islamistes contempteurs des démocraties occidentales.

Or, à l’aune de la progression de l’antiaméricanisme en Afghanistan, au Pakistan ou au Yémen, il n’est pas acquis que la  » doctrine Obama  » offre le chemin le plus direct pour stabiliser le Moyen-Orient, éviter l’éclatement des Etats, démocratiser les sociétés, développer leur bien-être et faire reculer le fondamentalisme. L’opération contre l’Etat islamique s’annonce d’une infinie complexité, encore amplifiée par le rôle de la Syrie, alliée-ennemie. Elle n’a de chance de réussir que si elle s’accompagne d’un solide volet politique, économique, financier, policier et sécuritaire y compris dans les pays arabes voisins, principaux pourvoyeurs de djihadistes étrangers, et en Europe. Si la forte participation de l’Union européenne à cette lutte peut être utile, c’est plus dans le champ politique que militaire. Barack Obama a au moins cet avantage sur son prédécesseur pour ne pas répéter les erreurs commises il y a dix ans.

de Gérald Papy

 » Il n’est pas sûr que la « doctrine Obama » offre le chemin le plus direct pour faire reculer le fondamentalisme  »

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