C’est le principe qui implique l’impartialité de l’Etat et qui autorise le régime des libertés des citoyens. La liberté de croire, quels que soient le culte ou la philosophie. Et celle de ne pas croire. Ou de croire en rien. C’est la définition du terme, du concept et de l’essence même de la laïcité à laquelle tient le plus l’actuelle direction du Centre d’action laïque (CAL), en place depuis un peu plus d’un an. En y incluant une autre, de libertés, et pas la moindre : celle de critiquer. Les religions comme l’athéisme, entre autres. Corollaire de cette exigence : c’est à cet Etat impartial à équiper les citoyens, tous les citoyens, des outils qui permettent la critique. Soit, donc, le raisonnement, le libre examen, l’épreuve des faits, la capacité de remettre en cause, ou en doute, ses propres convictions, la recherche de l’explication… Le tout, toujours, dans le respect de l’autre.
Les défenseurs de la laïcité l’avaient peut-être perdu de vue, eux-mêmes, ces longues dernières années. Jusqu’au massacre de Charlie Hebdo, à Paris, en janvier dernier, ils avaient plutôt donné, souvent, l’image de pourfendeurs des croyances, bien plus que d’opposants à tout cléricalisme. D’atrabilaires bouffe-curés bien davantage que de gardiens, de garants plutôt, du choix de pensée, choix volontaire et libre. Mais les circonstances ont changé la donne. L’après-Charlie et le débat autour de la liberté de blasphème, l’intégrisme religieux, l’organisation et l’articulation d’un vrai » vivre ensemble « , ont accéléré et amplifié un mouvement amorcé, en Belgique, dix mois plus tôt avec l’attentat contre le Musée juif de Bruxelles et l’arrivée à la présidence du CAL d’Henri Bartholomeeusen, le successeur de Pierre Galand. Un mouvement de reconquête. De repositionnement dans les enjeux bouleversant l’actuelle société occidentale. De retour aux sources. De réappropriation du combat originel.
L’arrêt de la Cour de cassation, mi-mars dernier, contraignant l’enseignement officiel francophone belge à désormais organiser des cours alternatifs à ceux de religion et de morale, a donné un nouveau coup de fouet aux défenseurs et aux dirigeants de la laïcité, prompts à s’engouffrer dans la brèche institutionnelle soudainement créée pour faire réentendre et leurs voix, et leurs objectifs. Dans le dossier que nous consacrons à cet authentique réveil des laïques, on observe ainsi que le CAL vise à l’inscription de la laïcité dans la Constitution belge, au pire de façon partielle et progressive, que la communauté laïque entend aller puiser allègrement dans le vivier de la jeunesse, pour se revivifier et élargir tant sa base que ses horizons, que sa revendication de cours philosophiques ou de citoyenneté commence à faire florès jusqu’au sein de l’enseignement libre, qu’elle entend aussi persuader les jeunes issus de l’immigration que la laïcité peut contribuer à l’avenir serein et pacifié de leur religion.
Au fond, une profession de foi en ce que le philosophe François Desmet définissait, dans son Vers une laïcité dynamique (éditions L’Académie de poche, 2012), comme » un cadre laïque positif et renouvelé » : celui où » on ne se contenterait pas de professer des principes laïques et l’égalité de droit en pariant que cela va suffire et en se navrant de tout repli identitaire « . Celui où, dès lors, » on prendrait plutôt le parti de se dire que le seul rôle de l’Etat est de permettre la libre circulation et la libre concurrence des idées, sans en privilégier aucune, ni en surveiller aucune… Si ce ne sont celles qui mettent en danger le mélange, l’interaction elle-même « .
C’est l’avènement, la culture et les bénéfices de cette laïcité » positive » qu’on est en droit d’attendre de pied ferme.
de Thierry Fiorilli
» On ne se contenterait plus de professer des principes laïques et l’égalité de droit en pariant que cela va suffire et en se navrant de tout repli identitaire »