Au nom de la tolérance, faut-il tolérer l’intolérance ? Jean Satinet, Tihange
C’est enfoncer une porte ouverte de dire combien nos sociétés se doivent de pratiquer la tolérance. En ce sens, l’intolérance est contraire à l’esprit de démocratie. On doit ajouter qu’il ne s’agit pas là d’une coutume comme se serrer la main quand on se rencontre. La tolérance est bien davantage : la condition sine qua non de notre mode du vivre ensemble. Pour autant, le problème qu’elle pose n’est pas tranché. Car la tolérance est un engagement. Il s’agit non seulement d’accepter les idées d’un autre, mais aussi son comportement. Comment en effet, sauf à enlever toute signification à ce terme, ne pas lier le respect des croyances, des convictions et des valeurs aux attitudes qui en découlent ? Comment nier le lien nécessaire entre ce que quelqu’un pense et ce qu’il fait ? Il ne s’agit pas tant de supporter des convictions qui nous sont étrangères que les agissements qui en sont la conséquence. En d’autres termes, la tolérance ne s’applique pas tant aux idées qu’aux actes qu’elles induisent. Les convictions sont le prélude à des façons de faire et de vivre.
Toute société rejette certaines de ces manières d’être, y compris celle qui se targue d’être démocratique. La tolérance vaut par ses limites. Ainsi récuse-t-elle les opinions qui, si elles prenaient corps, seraient une menace pour sa manière de vivre. On rétorquera que, dans ces conditions, le risque est grand de condamner ce qui va à l’encontre de l’opinion commune. Alors, la démocratie est, au mieux, paralysée ; au pis, elle cesse d’exister. Il y a cependant une méthode simple pour éviter l’angélisme d’une tolérance radicale ou la tentation d’une société où la liberté est toujours plus restreinte… par précaution. C’est de rejeter tout agissement qui fait obstacle à la liberté des individus. Et, par conséquent, la réflexion qui y conduit.
Apparemment, le principe est simple. Il n’en est rien. On peut stigmatiser n’importe quelle opinion singulière comme menaçant la liberté. Inversement, on peut alléguer que cette dernière est suffisamment forte pour résister aux pires assauts. Qu’en conclure sinon que la tolérance politique û la seule qui vaille û ne se déduit pas à coups de recettes, mais qu’elle opère au cas par cas. Là où des actes conduisent à la perte des libertés citoyennes, les idées qui sont à la base de cette menace doivent être combattues sans faiblesse.
Ce qu’il y a de troublant, c’est que pratiquement tous savent déceler les agissements contraires à la liberté des citoyens et que le grand nombre se tait. Une certaine tolérance et la peur font bon ménage.
par jean nousse