Les grandes familles ont déserté Nivelles et l’ouest du Brabant wallon. Elles ne pèsent plus rien, tant sur l’échiquier économique que politique. Un constant surprenant par rapport au reste de la province.
Des grandes familles à Nivelles ? Passez votre chemin, vous n’en trouverez plus. Si tant est qu’il en ait existé un jour. Une particularité étonnante de la cité aclote. Nos précédents dossiers sur les grandes familles du Brabant wallon l’ont montré, le pouvoir de ces familles est souvent associé au patrimoine foncier. Encore plus dans cette province où quelques familles ont pu constituer de grands domaines et » dominer » leur région par le biais de la sphère politique. A Nivelles, rien de tout cela.
Il faut même émettre des réserves sur les deux plus grands propriétaires de l’entité : l’un est une institution publique, l’autre un duc anglais qui jouit de terres léguées il y a deux cents ans par le roi Guillaume des Pays-Bas mais qu’il devra céder à l’Etat belge une fois que sa lignée sera éteinte (lire l’encadré). Bref, aucune grande famille ne » règne » sur Nivelles et ses environs.
» Il s’agit d’une situation vraiment particulière, analyse l’historien et journaliste Eric Meuwissen, auteur d’un ouvrage sur les grandes fortunes du Brabant. L’ouest du Brabant wallon était pourtant également constitué de grands espaces agricoles. Mais cela n’a pas permis à de grandes familles d’émerger. Il faut dire que la mainmise de l’abbaye de Nivelles n’est pas non plus étrangère à cette situation. »
A Nivelles, qui se souvient de l’ancien ministre Jules de Burlet, de l’ancien bourgmestre Emile de Lalieux de la Rocq ou encore, du sculpteur Laurent Delvaux ? Personne ou presque. Si ce n’est par le nom de rue ou de place qui leur a été attribuée. Leur influence n’a pas réussi à se renouveler au fil des générations.
Activités industrielles passées
Quelques illustres familles ont réussi à tirer leur épingle du jeu, mais il s’agit de familles bourgeoises dont il ne reste plus rien aujourd’hui de la réussite industrielle. On peut citer Willy Lacroix, ex-président de la Chambre de commerce et d’industrie du Brabant wallon, qui a revendu au début des années nonante son entreprise Lazer, lancée en 1977 et spécialisée dans les équipements et accessoires pour motos. La papeterie Delcroix, rachetée par Wiggins Teape dans les années 1950. Ou encore les Richelot, spécialisés dans la fabrication de lits, et la famille Chantrenne (Auguste, Louis et Pierre), qui a dirigé la Maison libérale, le gestionnaire de la taverne de l’Union, pendant presque un siècle, de 1908 à 1995.
» Il ne s’agit pas à proprement parler de grandes familles composées de nobles, mais de familles qui ont pesé à un moment ou à un autre sur la vie nivelloise, précise Georges Lecocq, bibliothécaire du musée de Nivelles et secrétaire de la Société royale d’archéologie, d’histoire et de folklore de Nivelles et du Brabant wallon. Leur domination est toutefois incomparable à ce que l’on a pu retrouver ailleurs en Brabant wallon. Ces familles ont toutes mis fin aujourd’hui à leurs activités industrielles ou économiques. Le plus souvent contraintes et forcées. Cela s’explique par le fait que la descendance n’a pas toujours les mêmes ambitions de développement que ses prédécesseurs. Je n’ai en tout cas pas souvenir d’une entreprise aclote qui a franchi le cap de la troisième génération. »
Si on quitte l’intra-muros nivellois et que l’on s’aventure dans l’ouest du Brabant wallon, on parvient enfin à trouver l’une ou l’autre grande famille. On pense aux Robiano à Braine-le-Château, aux Lichtervelde et aux Jolly, à Ittre. Cette dernière est toutefois la seule qui a réussi à faire perdurer son influence par le biais de la politique puisque Ferdinand Jolly a ceint l’écharpe maïorale en 2012. » Et encore, son accession au pouvoir est-elle récente, note Eric Meuwissen. Cette partie du Brabant wallon est complètement détachée de l’influence ou du poids que peuvent avoir ailleurs les grandes familles. »
Dossier coordonné par Philippe Berkenbaum, avec Xavier Attout et Frédérique Masquelier – Xavier Attout
