Les Enfoirés sont vraiment devenus des vieux cons

Février – La sortie de la chanson Toute la vie des Enfoirés suscite une polémique quant au message que les artistes souhaitent véhiculer.

A l’origine chant de révolte contre la misère, les productions musicales des Enfoirés, émanation des Restos du Coeur, en sont arrivées en 2015 à une véritable condamnation teintée de mépris pour la jeunesse.

La troupe des Enfoirés a bientôt 30 ans. Artistes, chanteurs et musiciens se sont unis pour défendre la cause des Restos du coeur, association caritative offrant  » à manger et à boire, un peu de pain et de chaleur  » à ceux qui n’en ont pas.

On se demande aujourd’hui comment a été écrit le dernier hymne de la troupe. Déjà réduire les  » jeunes  » à des révoltés sans rêves, est une franche caricature, tant on sait que oui, un jeune, ça rêve encore. Mais passons. Le titre et sa mise en scène témoignent de la colère et de l’angoisse – certes un peu téléphonée – de la génération Y. Ces jeunes d’un côté, et de l’autre, une bande d’Enfoirés qui assume sa réponse aussi méprisante et condescendante. A la trappe, les considérations, le tourment d’une génération perdue entre crise économique, violence sociale et radicalisme religieux. Or, comment ne pas reconnaître un fossé entre les années 1980 et 1990, qui ont vu grandir les Enfoirés, et aujourd’hui.

Alors, pourquoi cette chanson, Toute la vie ? Posons le décor : deux choeurs se font face, des jeunes à gauche, des vieux à droite. Extrait :

Les jeunes : Des portes closes et des nuages sombres, C’est notre héritage, notre horizon, le futur et le passé nous encombrent, avez-vous compris la question ? Les vieux : NON, Vous avez tout, l’amour et la lumière, On s’est battus, on n’a rien volé Les jeunes : Nous n’avons que nos dégoûts, nos colères Les vieux : Mais vous avez, Oui, vous avez, toute la vie, c’est une chance inouïe etc…

Rétorquer à la colère des jeunes un  » Toi, tu as toute la vie  » est bien mal connaître la jeunesse qui par définition n’a pas conscience, et heureusement, de cette vitalité qui la caractérise.

Ne pas prendre en compte le contexte anxiogène et peu propice à l’ambition, la confiance en soi, la réussite professionnelle des jeunes est une aberration. Rappelons qu’en France, actuellement, 25 % des moins de 25 ans sont au chômage. Nier ce climat est d’autant plus inacceptable quand on se veut porte-drapeau d’une cause caritative qui vient en aide aux plus démunis, de plus en plus nombreux. Alors, qui ce propos est-il censé flatter ? Selon ce titre, les jeunes sont responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent. Ils n’ont qu’à se  » bouger  » s’ils veulent que ça change. ( » Tout ce qu’on a, il a fallu le gagner, A vous de jouer, mais faudrait vous bouger « )

Comme ils le disent,  » on n’a rien volé « . Mais l’utilisation à outrance d’une cause très charitable pour (parfois) vendre un vestige de carrière pourrait s’y apparenter non ? Machine à fric, outil de promotion personnelle, place to be, la bande des Enfoirés est loin d’être prête à vivre l’expérience de la générosité dans le dévouement.

On se félicite, dès lors, du refus d’un Stromae, qui argua la pudeur pour ne pas gonfler les rangs.  » Je ne sais pas si c’est une certaine pudeur… J’ai un problème à mêler mon image à une association caritative. Si je le fais et que je me mets en avant, c’est pour servir ce genre d’association. Mais j’ai un problème, car j’en profite. C’est là où je me sens mal. Ce n’est que ma vision.  » Mais au fond, n’est-elle pas là, justement, la vertu de la jeunesse : faire ressortir en creux le fait qu’elle n’est pas elle, une vieille conne.

Aurélie Wehrlin

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