Logement, enseignement, formation, emploi : le boom démographique de Bruxelles conditionne toutes les politiques, celles d’aujourd’hui et encore plus celles de demain.
L’évolution de la population est l’une des préoccupations marquantes de la politique bruxelloise. Selon le Bureau du Plan, la Région bruxelloise aura en effet augmenté de 170 000 habitants d’ici à 2020 et atteindra 1,2 million de personnes. La Ville de Bruxelles, de son côté, a vu, au cours de ces dernières années, sa population augmenter de 2,5 % par an. Le nombre de Bruxellois est ainsi passé de 135 000 en 2001 à 162 000 fin 2010, et les projections tablent sur plus de 200 000 d’ici à 2025. Les impacts sur les politiques à mener sont multiples, qu’il s’agisse de logement, d’enseignement, d’emploi…
» Cette explosion démographique s’accompagne d’une évolution sociologique, explique le bourgmestre de Bruxelles Freddy Thielemans (PS). On remarque, d’un côté, une nette tendance au retour vers la ville de personnes qui sont plus à l’aise financièrement et, de l’autre, la persistance d’un chômage élevé, qui touche plus de 10 000 personnes. Il faut éviter les ghettos, d’un côté comme de l’autre. Le véritable enjeu de la population de Bruxelles, ce sont donc sans doute les classes moyennes, qu’il faut attirer, ou persuader de rester en ville. » Pour ce faire, Bruxelles a lancé, en 2008, son Plan 1 000 logements, visant à créer, d’ici à la fin de la législature communale de 2012, un millier de logements neufs, sociaux ou moyens, sur des terrains appartenant à la Ville ou au CPAS. Principalement dans le centre, afin de pouvoir proposer des logements de qualité à des prix abordables, du studio à l’appartement cinq chambres. Exemple avec la construction de 16 logements (dont deux à 4 chambres et un à 5 chambres) place Anneessens, en plein centre.
Merci Napoléon
» Cette politique n’a été rendue possible que grâce à la coopération entre la Ville et le CPAS, souligne le bourgmestre. Ce qui n’était pas le cas avant. Cela nous a permis par exemple de mener ensemble, sur des terrains appartenant au CPAS, le projet de la rue Bruyn, à Neder-over-Heembeek. » Il s’agit de la construction de 344 logements à basse énergie, voire même passifs pour 79 d’entre eux, à proximité de l’hôpital militaire. » Nous avons réussi à insuffler une vraie dynamique, particulièrement avec ce projet, souligne Christian Ceux (CDH), l’échevin de l’Urbanisme. Notre idée était d’y créer un vrai quartier de ville, là où il n’y avait pas d’habitants. » » Merci à Napoléon, sourit de son côté Yvan Mayeur (PS), président du CPAS, car c’est grâce à lui si nous disposons d’autant de réserves. Ce sont en effet les biens de l’Eglise qu’il a cédés à la commission des hospices et de bienfaisance… «
» Nous ferons mieux que ce que nous avions annoncé, poursuit Christian Ceux : nous atteindrons le nombre de 1 200 logements neufs d’ici à la fin de la législature avec un budget à l’équilibre, sans dettes, et en augmentant la valeur de notre patrimoine. Et nous sommes un acteur important du secteur du logement, ce qui nous permet, en pratiquant des loyers en moyenne 20 % plus bas que le marché, d’avoir une influence sur celui-ci, de le réguler. » Les pouvoirs publics sont en effet propriétaires de 25 % des logements de Bruxelles (l’offre de logements sociaux n’est toutefois que de 10 %).
Dans le même temps, un programme de rénovation de 1 500 logements a été lancé. Avec l’espoir d’un effet démultiplicateur. » Il y a dix ou quinze ans que plus aucun investissement n’avait été effectué en ville, explique Yvan Mayeur. Nous avons racheté des quartiers que nous avons rénovés, pour amorcer la pompe. Par exemple le Palais du vin, rue des Tanneurs, ancien grand magasin de luxe de vins et liqueurs, de style Art nouveau, et les bâtiments voisins. Nous y avons créé un centre d’entreprises et des logements. » A proximité de la place Sainte-Catherine, les anciens bureaux de L’Oréal ont été transformés en 28 habitations. Rue d’Anderlecht, les anciennes savonneries Heymans ont été réhabilitées pour accueillir 42 logements. Les espaces publics tout autour ont également été réaménagés, pour encourager le privé à entrer dans la démarche.
Mais il faut se méfier de l’effet d’aubaine, des propriétaires qui profiteraient des travaux effectués par la collectivité pour pratiquer des prix de vente qui s’envolent ou demander des loyers démesurés qui risqueraient de modifier en profondeur la structure sociologique du quartier. L’annonce de l’implantation d’une école européenne à la drève Sainte-Anne à Laeken, par exemple, sur le site de l’ancienne école des Cadets, a aussitôt suscité un engouement pour tout le quartier. Une réponse partielle à ce problème, c’est le » Projet X » (à défaut d’avoir trouvé un autre nom). Il permet la prise en charge de la rénovation du logement par le CPAS, qui assure au propriétaire le paiement de son loyer pendant dix ans. Cela permet de maintenir sur place les locataires d’origine, de leur assurer plus de confort, et de diminuer leurs charges énergétiques. Au bout du terme, le propriétaire récupère pleinement son bien, qui a pris de la valeur. Depuis 2005, près de 260 logements ont été rénovés grâce à cette formule, et 120 sont en travaux. Si le propriétaire n’est pas convaincu, la menace de l’inscription de son bien sur la liste des expropriations le fait généralement changer d’avis. De nombreux chancres urbains de demain sont ainsi évités. Dans le même objectif, une prime de 15 000 euros a été instituée pour encourager la création d’accès au-dessus des commerces.
Bruxelles entend également favoriser la création de logements par le privé. Le groupe Atenor est en train de construire une tour de 142 mètres de hauteur au bord du canal. Ses 43 étages offriront 252 appartements, et les bâtiments accolés une bonne centaine de plus. Le site historique de la CGER, rue Fossé-aux-Loups (75 000 mètres carrés), vendu au printemps par BNP Paribas, devra être consacré pour trois quarts au logement. Le projet Neo au Heysel comprendra 750 habitations…
Plus d’habitants, donc plus d’enfants. L’accroissement de la population crée des besoins nouveaux : Bruxelles s’attend à une augmentation de 22 % de sa population en âge scolaire, ce qui l’oblige à investir massivement dans la création de places et d’encadrement. La capacité des crèches sera augmentée de 300 unités d’ici à 2018 (+ 28 %), mais l’offre restera insuffisante. Pour tenter d’augmenter les disponibilités, les formules alternatives (halte-garderie, accueil à domicile…) seront favorisées.
» Ensuite, nous devrons pouvoir accueillir 7 000 demandes de scolarisation de plus à Bruxelles d’ici à 2020, souligne Freddy Thielemans. Sur fonds communaux propres, la création de 1 250 places est en cours, la Région bruxelloises y ajoute 432 places, et les Communautés étudient la possibilité de 2 000 places de plus. Mais cela ne suffira pas : notre priorité est d’arriver à un total de 5 000 places supplémentaires sur le territoire de la Ville. Ce qui nous impose des choix : nous avons par exemple décidé de créer 650 places pour l’enseignement secondaire à l’ancienne Ecole de la batellerie, à Laeken, où nous avions prévu au départ d’installer l’école de police. Nous devrons peut-être investir plus de terrains à Tour & Taxis ou à Neder-over-Heembeek. «
Le tourisme, premier employeur
Troisième axe du plan pour faire face au défi démographique : le développement de l’offre d’emplois, lié à l’enseignement et à la formation. Le paradoxe est que Bruxelles offre plus de 300 000 emplois, près du double du nombre de ses habitants, mais compte un chômage de 25 %. » Il y a trop de jeunes qui sortent du secondaire sans diplôme, constate Christian Ceux. Tout doit être mis en £uvre pour donner une perspective d’avenir à tous les jeunes Bruxellois, surenchérit Yvan Mayeur. Il n’y a pas une recette unique, mais tout doit coïncider, tout doit être mis en place pour y arriver. «
» Bruxelles a connu l’an dernier 104 sommets ou conseils européens et des centaines de réunions et congrès, sans compter plus de 500 manifestations, explique Freddy Thielemans. Ce qui, outre une demande importante en services de sécurité, a des répercussions sur tout le secteur de l’hébergement ou de l’horeca, un secteur à forte intensité de main-d’£uvre. Des milliers d’emplois relativement peu qualifiés auxquels peuvent prétendre les jeunes, et qui ne peuvent être délocalisés. » Bruxelles investit donc volontiers dans cette politique touristique et événementielle, qui est déjà le principal pourvoyeur d’emplois. C’est tout le sens du projet Neo, sur le plateau du Heysel, qui devrait aboutir à créer 3 000 emplois dans un nouveau centre de congrès de dimension internationale. Un partenariat entre la Ville et la Région de Bruxelles-Capitale.
MICHEL DELWICHE