L’offre de cinéma » jeune public » est à la hausse, grâce, notamment, aux initiatives de la Cinémathèque royale et des Liégeois du centre culturel Les Grignoux
Cinémathèque royale de Belgique, 23, rue Ravenstein, 1000 Bruxelles. Tél : 02 507 83 70 ;
www.cinematheque.be. Centre culturel Les Grignoux, 9, rue S£urs de Hasque, 4000 Liège. Tél. : 042 22 27 78 ;
www.grignoux.be. Loupiote ASBL, tél : 0473 21 86 87 ;
www.loupiote.be
Les réseaux commerciaux du cinéma ont depuis belle lurette pris la mesure du potentiel économique que représente le public enfantin, et développent ces dernières années une offre de plus en plus abondante de films d’animation qui remplissent les salles. En revanche, les initiatives cinéphiles visant à éveiller les bambins aux richesses plus larges du 7e art n’ont pas toujours rencontré l’écho qu’elles méritaient. Le contexte scolaire en Communauté française n’était pas favorable, les affirmations officielles sur la nécessité d’éduquer les enfants au langage de l’image restant v£ux pieux, tandis que le cinéma n’était présent dans la plupart des établissements que sous la forme d’une vision sporadique d’une cassette d’un Harry Potter ou d’un dessin animé de Walt Disney… La ministre de la Culture, Fadila Laanan (PS), a bien annoncé qu’elle viserait à développer dès 2006 des mesures (encore non précisées et encore moins financées) allant dans le sens d’une éducation au cinéma dans le secondaire, mais on attendra, une fois encore, si les déclarations d’intention seront suivies d’effet…
Certains, fort heureusement, se sont déjà engagés avec enthousiasme pour augmenter de manière significative l’offre cinématographique en direction du jeune public, dans le cadre scolaire et, surtout, au-delà. La Cinémathèque royale de Belgique a pris la tête de ce mouvement multiforme et souvent exemplaire tant sur le plan pédagogique que sur celui – fondamental – du plaisir transmis aux graines de cinéphiles.
Voici une bonne dizaine d’années déjà, Gabrielle Claes, vaillante conservatrice de la Cinémathèque, lança les » Matinées classiques pour les jeunes « , des séances dominicales organisées au Musée du cinéma et offrant cette année encore l’occasion de faire découvrir des £uvres comme Vingt Mille Lieues sous les mers (le 20 novembre), L’Invention diabolique (le 11 décembre) et le flamboyant sommet du film de cape et d’épée qu’est Scaramouche (le 25 décembre). Se sont plus récemment ajoutées à cette programmation deux autres initiatives désormais incontournables par l’écho et le succès qu’elles rencontrent : Jeunes fans de ciné, au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, et Une séance pour tous, au Flagey. Jeunes fans de ciné se veut exemplaire dans le mélange du festif et de l’ambition de transmettre, comme le souhaite Jean-François Pluygers, ex-critique à La Libre Belgique et désormais responsable de la programmation à la Cinémathèque. » A partir de chaque film, présenté par un réalisateur belge, il s’agit de développer une question relative à la technique ou à l’histoire du cinéma, comme lorsque Luc Dardenne a commenté Les Contrebandiers de Moonfleet, de Fritz Lang, en attirant l’attention des enfants sur le fait que ce film avait été intégralement tourné en studio, les invitant à réfléchir aux rapports entre l’artificiel et l’impression de réalité. » Lors des prochaines séances, dans la grande salle Henry Le B£uf du palais des Beaux-Arts de Bruxelles, on pourra voir L’Enfant sauvage, de François Truffaut, présenté par Stijn Coninx, le réalisateur de Daens (le 4 décembre), puis Le Magicien d’Oz, avec les commentaires sans nul doute passionnants du réalisateur de Toto le héros, Jaco Van Dormael (le 15 janvier), avant que Dominique Deruddere (qui signa Crazy Love) ne communique aux jeunes spectateurs sa passion pour Buster Keaton et Cadet d’eau douce (le 26 février).
Si la nature et le fonctionnement de Jeunes fans de ciné en font conseiller la fréquentation aux plus de 6 ou 8 ans (selon les films), Une séance pour tous, au Flagey, à Bruxelles, se veut plus fédérateur et accueille les cadets des familles qui prennent le chemin de ces projections du dimanche matin à 11 heures, précédées d’un brunch (facultatif, une heure plus tôt) au climat bien joyeux. Prochains films au programme : Tarzan à New York (le 27 novembre), le génial Etrange Noël de Monsieur Jack de Tim Burton (le 18 décembre) et un festival consacré au merveilleux comique du muet Harold Lloyd (le 22 janvier).
Le monde scolaire n’est par ailleurs bien sûr pas oublié de la Cinémathèque, qui propose aux enseignants du niveau primaire d’emmener leurs élèves au Musée du cinéma voir des » classiques » pour lesquels ils bénéficieront aussi d’une animation en classe (avant ou après la projection, au choix).
Les séances scolaires, le centre culturel liégeois Les Grignoux connaît ! Parti de la Cité ardente, avec pour lieux centraux les cinémas Le Parc et Churchill, le formidable travail mené depuis quelques années déjà par Dany Habran et ses camarades porte désormais ses fruits dans seize villes wallonnes et à Bruxelles, dans le cadre du réseau » Ecran large sur tableau noir « . Les enseignants du primaire et du secondaire peuvent puiser dans une sélection de trente-cinq films récents et de qualité, une sélection privilégiant » un cinéma d’ouverture sur le monde et la société « . Chacune des £uvres est accompagnée d’un dossier pédagogique complet et soigné, offrant matière à information et débat sur le film, son contexte, son style et son propos. Chaque année, environ 140 000 élèves participent à ces séances dont les promoteurs entendent faire » un véritable dispositif d’éducation cinématographique « . On citera, parmi les titres proposés au primaire, Genesis et Oliver Twist, La Petite Taupe et Charlie et la chocolaterie et, parmi ceux réservés au secondaire, L’Enfant, Osama, Hôtel Rwanda, Million Dolllar Baby, Le Couperet et Le Cauchemar de Darwin.
C’est aussi d’éducation au cinéma qu’est récemment venue se mêler la jeune équipe de l’ASBL La Loupiote, qui a lancé le programme » Les Enfants du ciné « . Y sont proposés des ateliers pédagogiques de deux heures, destinés à des groupes d’une cinquantaine d’enfants (de 8 à 12 ans) au sein d’un établissement scolaire. L’écriture et la réalisation d’un court-métrage font partie d’un processus qui est appelé à connaître le succès.
» Il n’y a pas d’âge pour la cinéphilie ! » peut clamer Jean-François Pluygers, lui-même père de famille et convaincu de la nécessité, du bonheur aussi et surtout, d’opérer la transmission d’un amour pour un cinéma qui ne doit pas se réduire, dans les yeux de nos enfants, aux clichés et formules vendeuses du tout-venant des images.
Louis Danvers