Le marché namurois compte le plus petit stock de bureaux de Wallonie. Sa particularité ? Il est largement dominé par la présence des institutions wallonnes.
A l’image de Bruxelles, où il est de bon ton, pour une entreprise, d’avoir l’adresse de son siège social, le statut de capitale wallonne confère-t-il à Namur un éclat particulier, une valeur ajoutée auprès des candidats à la location de bureaux ? Pas vraiment, répondent les agents immobiliers interrogés. » S’il y a un effet « capitale », il est assez limité, explique Pierre Badot, directeur et responsable des activités pour la Wallonie auprès du courtier DTZ, qui vient de fusionner avec son homologue Cushman&Wakefield. Les seules sociétés susceptibles de prendre ce critère en considération dans leurs recherches de locaux sont celles qui souhaitent être proches des institutions wallonnes, avec lesquelles elles entretiennent un rapport direct. » Or, elles ne courent pas les rues. La position géographique avantageuse de Namur, au centre de la dorsale wallonne mais aussi de l’axe Bruxelles-Luxembourg, joue plus en sa faveur que sa qualité de première ville de Wallonie, pointe, pour sa part, Xavier Constant, senior consultant chez Knight Frank.
Avec ceci que, de manière générale, le marché namurois est » peu attractif aux yeux des sociétés qui n’y ont pas leurs racines « , reprend Pierre Badot. Et de citer l’exemple du groupe Atradius, spécialiste de l’assurance-crédit de par le monde et » plus gros employeur privé à Namur « , qui y construit un nouveau siège social. » Atradius reste fidèle à la capitale wallonne pour des raisons historiques « , poursuit-il. C’est là, en effet, qu’était implantée Namur Assurances du Crédit SA, rachetée par le groupe germano-hollandais en 1994. A l’inverse, les deux autres marchés de bureaux wallons que sont Liège et Charleroi sont autrement plus courus (lire l’encadré page 110).
Il est toutefois un acteur prépondérant à Namur : le secteur public. Ce dernier compose le gros de la demande, une spécificité namuroise que l’on n’observe nulle part ailleurs. » 70 % de l’occupation réelle des bureaux namurois sont le fait du public. Le privé se contente de 30 % de l’offre, précise Pierre Badot. Il s’agit d’un ratio énorme comparativement à d’autres marchés comme ceux de Liège et Charleroi, mais aussi Anvers, Gand ou même Bruxelles. » L’explication est, ici encore, de nature historique, qui remonte à la mise en place de la régionalisation de la Belgique, au tournant des années 1980 et 1990, et au choix de la Région wallonne de faire de Namur sa capitale administrative. Les fonctionnaires wallons y ont, depuis, afflué en nombre, accueillis dans des bâtiments construits à leur intention. » La plupart ne sont pas situés à Namur même, mais à Jambes, sur la rive droite de la Meuse « , ajoute Pierre Badot. Parce que c’est là que se trouvaient – et se trouvent toujours – les terrains disponibles, pour des formats importants de surcroît, de l’ordre de 10 000 m2. Parce que, aussi, les autorités namuroises n’ont jamais été très enclines aux développements d’envergure sur le territoire étriqué du centre-ville.
Pas de gratuités locatives
Quid du reste de l’offre ? » Elle se partage entre Jambes et les environs de la gare de Namur, tout en s’étendant timidement sur les communes avoisinantes avec une poignée de projets à Erpent et Nanine « , décrit Pierre Badot. Soit des zones faciles d’accès via l’autoroute E411 ou la Nationale 4, pour un stock de 405 000 m2 au total, le plus faible en territoire wallon. Le courtier ajoute que la plupart des bureaux namurois sont » de qualité « , les plus récents offrant » le plus grand confort à leurs occupants, usant des techniques les plus modernes « .
Une offre qualitative et plus restreinte qu’ailleurs – à destination du privé, du moins – qui confère au marché namurois un caractère plus » raisonné « , » mesuré « . » Il n’y a pas énormément de vide locatif à Namur, soutient le responsable de la Wallonie pour DTZ/Cushman&Wakefield. La rotation des occupants d’un bâtiment à l’autre y est plus limitée qu’ailleurs. » Du coup, les propriétaires d’immeubles de bureaux se livrent une concurrence plus » saine « . » Ils ne cherchent pas à appâter les candidats-locataires par des incitants. »
Namur est, en effet, un des rares marchés où le loyer facial correspond au loyer économique. C’est-à-dire où le loyer indiqué dans le bail signé par les parties équivaut au loyer effectivement payé tous les mois. » Dans d’autres marchés plus concurrentiels, à l’image de l’aéropôle de Zaventem, par exemple, où l’offre est beaucoup plus fournie, les propriétaires tentent d’attirer les potentiels occupants par des gestes commerciaux tels que les gratuités locatives, compare Pierre Badot. Celles-ci se calculent en nombre de mois de loyer offerts sur la durée d’engagement contractuelle. » Résultat, sur un loyer » prime » de 155 euros le m2 par an (hors taxes et charges), les propriétaires namurois se réservent une marge certainement supérieure à celle qu’ils pourraient obtenir sur d’autres marchés…
Des projets dans le pipeline
Il n’en faut pas plus pour éveiller l’intérêt de nombreux promoteurs – Banimmo, Eaglestone, Bésix, Atenor, Thomas&Piron, Iret Development… – , qui lancent une série de nouveaux projets, en construction ou à venir. Ainsi de 4 000 m2 (et jusqu’à 6 000 ou 7 000 m2 à terme) dans l’ancienne poste accolée à la gare de Namur ; de 12 000 m2 pour le Green Park, sis avenue du Prince de Liège, à Jambes, aux deux-tiers construits ; de 4 000 à 5 000 m2 supplémentaires pour le Namur Office Park, avenue des Dessus de Lives, à Jambes ; de 10 000 m2 pour le nouveau siège d’Atradius, à quelques encablures de ses anciens bureaux, avenue du Prince de Liège, destinés à être rasés ; de 10 000 autres développés sur le site des Archives de l’Etat, le long du boulevard Cauchy, etc. A noter que l’étroitesse de la demande privée pousse, à Namur, les promoteurs à multiplier les contacts avant de lancer leurs projets et à ne donner les premiers coups de pioche qu’en cas d’accord entre les parties. » Peu de bâtiments sont construits à risque « , conclut Pierre Badot.
Côté transactions remarquables, le premier semestre de l’année a vu l’obtention du permis pour la construction du siège de CBC Banque et Assurance, avenue Albert Ier (Port du Bon Dieu). Un feu vert qui booste la prise en occupation de l’année en cours, à près de 14 500 m2… contre 8 400 pour l’ensemble de 2014.
Par Frédérique Masquelier