Les brasseurs familiaux voient grand

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

L’entreprise belgo-brésilienne InBev veut devenir le maître du monde de la bière. Elle s’attaque à l’américain Anheuser-Busch. Au risque d’y perdre son âme ?

C’est le duel des maîtres du houblon. Le brasseur belgo-brésilien InBev vient de lancer une offre d’achat  » non désirée  » sur l’américain Anheuser-Busch, n° 3 mondial. Le premier est prêt à mettre 29,85 milliards d’euros sur la table pour acquérir, entre autres, la fameuse Budweiser. Pour les actionnaires du groupe d’outre-Atlantique, la surprime s’élève à environ 35 % par rapport aux cours enregistrés avant l’offensive boursière. Si l’opération réussit, il s’agira de la reprise la plus onéreuse jamais réalisée à l’étranger par une entreprise belge.

Il se murmure pourtant que le patron du groupe américain ne serait pas très chaud à l’idée de céder les rênes de son entreprise aux Belgo-Brésiliens. August Busch, qui porte le nom de la famille fondatrice du groupe, créé à la fin du xixe siècle, n’a pourtant plus guère de poids en termes de contrôle sur le capital : le clan Busch détient seulement 4 % des parts.

En Belgique, ce sont aussi des familles qui sont aux commandes. La part des titres InBev détenus par le public ne s’élève qu’à 34,8 % du capital. En revanche, on compte quelque 250 actionnaires, descendants des fondateurs des brasseries Piedboeuf et Artois. Y figurent, outre les trois familles principales (Van Damme, de Spoelberch et de Pret Roose de Calesberg), les clans de Mevius, de Jonghe d’Ardoye, de Neuforge, de Baillet Latour, de la Barre d’Erquelinnes, de Lalaing, van der Straten Ponthoz, Cornet de Ways Ruart, d’Ansembourg, Adriaenssen et de Haas de Teichen.

Ces familles défendent leurs intérêts via des sociétés patrimoniales regroupées derrière trois structures principales : Eugénie (de Spoelberch), Patrinvest (Van Damme) et Sebastien (de Pret Roose de Calesberg). Ensemble, elles forment le holding luxembourgeois EPS, qui détient 11,5 % des parts d’InBev (au 31 décembre 2007). EPS est également représenté dans la Stichting InBev (Fondation InBev), au côté des actionnaires brésiliens issus des familles Telles, Lemann et Sicupira. Cette fondation détient 52,3 % du capital d’InBev. Bien que les Belges soient majoritaires dans cette structure, un pacte d’actionnaires leur accorde les mêmes droits de vote qu’aux représentants brésiliens.

Les familles belges ont trois représentants au conseil d’administration du groupe : Alexandre Van Damme, Grégoire de Spoelberch et Arnoud de Pret Roose de Calesberg.

Caractérisées par une discrétion à toute épreuve, les familles semblent, jusqu’à présent, avoir toujours été d’accord sur les choix stratégiques à opérer pour assurer l’avenir de leur groupe brassicole. Il se pourrait toutefois que cette belle unanimité se lézarde avec l’offre lancée sur l’américain Anheuser-Busch. Selon le journal De Tijd, en effet, c’est surtout Alexandre Van Damme, petit-fils d’Albert Van Damme, fondateur de Jupiler, qui aurait défendu l’opération bec et ongles. Certains représentants des autres familles craindraient toutefois que le groupe ne devienne trop  » américain « . C’est déjà Alexandre Van Damme qui avait favorisé le rapprochement entre Interbrew et le groupe brésilien Ambev, prélude à la constitution du groupe InBev.

Laurence van Ruymbeke

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