» L’électrochoc de la mutinerie d’Andenne « 

Le député fédéral Denis Ducarme (MR) dépose ce jeudi 29 mars une proposition de résolution réclamant du gouvernement un rapport sur le radicalisme dans les prisons belges.

Le Vif/L’Express : Les prisons belges sont-elles des foyers de radicalisation islamique ?

Denis Ducarme : Ce qui est grave, à l’heure actuelle, c’est qu’on n’est pas en mesure de répondre à cette question ! Après la mutinerie survenue à la prison d’Andenne en novembre 2011, le ministre de la Justice d’alors, Stefaan De Clerck (CD&V), s’était dit ouvert à l’idée d’un audit. Ce jeudi, je dépose à la Chambre une proposition de résolution visant au respect de la liberté religieuse et à la lutte contre le radicalisme dans les établissements pénitentiaires belges. Nous avons besoin d’un état des lieux et de la mise en £uvre de mesures visant, notamment, à garantir la liberté religieuse des détenus contre les tentatives de harcèlement.

Quels sont les signes de ce radicalisme ?

La mutinerie d’Andenne a servi d’électrochoc. Certains détenus se sont rebellés contre une note de service réglementant la pratique de la prière et ont bouté le feu à la prison. Il a fallu plusieurs jours pour ramener le calme. A ce jour, certaines parties de la prison n’ont toujours pas été rouvertes. Les dégâts ont été chiffrés à 140 000 euros. Les revendications alimentaires provoquent aussi des frictions. Il y a quelques années, à la prison de Forest, la distribution d’une gelée de groseille non halal avait suffi à déclencher des troubles importants. D’autres problèmes surviennent dans le cadre de fouilles de sécurité ou lors de prières de groupe. Le personnel féminin, qui est majoritaire dans les prisons, est contesté. Les tensions avec les détenus sont très éprouvantes. Les surveillants n’en peuvent plus. La tension est également palpable entre les détenus musulmans et les non-musulmans.

Beaucoup de conversions à l’islam ont lieu derrière les barreaux. Pourquoi ?

La conversion à l’islam n’est pas en soi un signe de radicalisation, mais elle peut le devenir dans certains cas. J’avais posé une question écrite au ministre de la Justice sur la proportion de repas halal distribués dans les prisons. J’attends toujours la réponse… Je sais, de source syndicale, que cette proportion atteint les 100 % à la prison de Forest et que la moyenne, dans les prisons du royaume, est de 60 à 70 %. Ces chiffres ont augmenté de manière fulgurante au cours des quinze dernières années. Mais toutes les conversions ne reposent pas nécessairement sur une conviction religieuse. D’après un rapport britannique de 2010, de nombreux détenus britanniques se convertiraient à l’islam pour jouir d’un meilleur traitement et bénéficier de la protection d’un groupe fort. Il s’agirait dès lors de conversions de confort. D’autres sont le fruit de pressions. Le prosélytisme des salafistes dérange autant les non-musulmans que les musulmans qui ne sont pas adeptes de leurs pratiques.

Quel rôle jouent les aumôniers musulmans ?

Un rôle apaisant dans le cas de la mutinerie d’Andenne… C’est l’aumônier musulman qui a servi d’intermédiaire avec les responsables de la mutinerie. C’est un atout. Il ne faut pas hésiter à les multiplier, en les formant à détecter les signes de radicalisme. Ils devraient être une alternative aux leaders qui se posent en muftis carcéraux.

Face à cette radicalisation présumée, quelle est l’attitude de l’administration pénitentiaire ?

Il n’y a aucune stratégie ! Les agents pénitentiaires et les directeurs de prison sont laissés tout à fait seuls. La démarche de l’administration pénitentiaire française, en 2008, pourrait pourtant nous inspirer. Après avoir identifié 442 détenus manifestant un comportement inquiétant, elle a distribué à ses 24 000 surveillants un manuel de 60 pages qui détaillait les 23 indicateurs permettant d’identifier une conduite suspecte.

Que faire de détenus comme Nizar Trabelsi qui fascine ses compagnons de prison ?

Les leaders doivent être isolés pour éviter qu’ils n’influencent ceux qui, à la base, ne sont pas du tout radicaux. En Belgique, on n’a pas travaillé assez sur les questions liées à l’islam. On continue à faire preuve d’angélisme face à des réalités qui nécessitent une approche humaine mais ferme.

ENTRETIEN : M.-C.R.

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