Ahurissant ! Pour une simple confusion de noms, un journaliste de la RTBF remet en cause le procès d’Outreau, en France
On dirait une histoire belge. Mais c’est bien dans l’Hexagone que ça se passe. En juin 2004, Daniel Legrand, habitant près de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, est condamné à trois ans de prison à l’issue du procès d’Outreau. Pour rien ? Juste parce qu’il aurait été confondu avec un certain » Dany, le grand « , tel que décrit par une des jeunes victimes de cette sinistre affaire de pédophilie ? Dans la retranscription de l’audition, l’enquêteur a écrit Legrand avec une majuscule et en un mot, sans se poser de question. La machine judiciaire va s’emballer.
Croyant dur comme fer aux déclarations de l’enfant, le juge d’instruction Fabrice Burgaud a envoyé ses hommes sur la piste d’un Daniel Legrand habitant en Belgique. Ils vont en trouver deux. Le premier Daniel Legrand est repris dans les fichiers de la police de Mouscron pour une banale histoire de chèque volé. Le second n’est autre que le père du premier, qui a manqué d’imagination, vingt-quatre ans plus tôt, lorsqu’il a dû donner un prénom à son fils. Les Daniel Legrand père et fils habitent à une dizaine de kilomètres de la tour du Renard à Outreau, en France, où vivent les victimes du réseau de pédophilie que le juge Burgaud croit avoir démantelé.
Il n’en fallait pas davantage pour les jeter en prison. D’autant que la principale accusatrice et accusée du dossier, Myriam Delay, corrobore les dires de l’enfant. Elle en rajoute même, déclarant que les Legrand tenaient un sex-shop à Ostende. Pure élucubration… Désespéré, le fils écrit, depuis sa cellule, une lettre au magistrat instructeur, dans laquelle il affirme qu’une fillette a été violée à mort lors d’une séance organisée chez les Delay. Il espère ainsi faire craquer Myriam, dont Burgaud avale les mensonges comme un gamin influençable. Peine perdue. Loin de se rétracter, la mythomane prend la balle au bond et enfonce le clou. C’est ainsi que la filière belge du » dossier Outreau » prend forme dans la tête des enquêteurs. D’importantes fouilles seront même entreprises près du Touquet pour retrouver le corps de la fillette inventée par Legrand. Finalement, au procès, Daniel le père sera acquitté, à l’instar de cinq autres accusés, mais le fils, lui, sera condamné, malgré un flagrant manque de preuves.
Dès janvier 2002, le journaliste d’investigation George Huercano-Hidalgo n’a pas cru à cette fameuse filière belge et l’a démontré dans un reportage de feu le magazine Au nom de la loi, sur la RTBF . Continuant son enquête à la demande de France 5, notre confrère a finalement dénoué le mystère Legrand, en retrouvant le véritable Dany : un habitué de la tour du Renard qui, à l’époque des faits, venait rendre visite à son fiston chez son ex-compagne. Et dont rien ne dit qu’il est coupable. Diffusé sur la chaîne française le 15 avril, le second reportage de Huercano a jeté un nouveau trouble dans ce dossier déjà rocambolesque. Le procès en appel de 6 personnes devait s’ouvrir le 10 mai. Il a été reporté par la cour d’assises de Paris, pour complément d’enquête…
Thierry Denoël