Le rendez-vous européen de l’art

C’est dans la capitale wallonne qu’ils se rendent tous, une fois l’an. Tous, ce sont les amateurs d’art et les collectionneurs mais aussi les antiquaires et les décorateurs. La foire Antica Namur est devenue l’un des plus grands cabinets de curiosité et la référence sur le marché.

Créée en 1976, elle avait pour but de  » distraire  » les épouses des hommes d’affaires venus chasser dans les Ardennes. Depuis lors, le curseur du marché des antiquités s’est bel et bien déplacé vers la capitale wallonne. Après les débuts belgo-belges, Antica Namur a opéré, progressivement, une montée en gamme et en qualité, a acquis une belle notoriété hors de nos frontières et attire aujourd’hui 40 % d’exposants étrangers. Ses atouts ne manquent pas. La foire est très bien placée dans le calendrier. Premier salon européen de la rentrée, elle est un baromètre pour le marché de l’art et des antiquités. De nouveaux participants, une sélection plus serrée et la remise en place d’un comité d’experts apportent un autre éclairage sur les oeuvres et objets d’art des siècles passés.  » Une journée d’expertise aura lieu à la veille de la foire et garantira sa qualité, souligne Luc Darte, managing director. De plus, trois experts seront présents en permanence, à la disposition des visiteurs. Antica Namur devient un vrai salon d’antiquaires, réunissant une marchandise authentique de qualité.  »

Parmi les exposants étrangers, les Français sont légion. Les antiquaires français apprécient la foire namuroise pour la qualité de son public, pour son rapport qualité/prix très intéressant et surtout, pour son éclectisme. Car Antica Namur, c’est beaucoup d’imagination et plusieurs kilomètres d’allées, ponctuées de stands luxueux qui font la part belle aux tableaux, aux objets d’art et de collection, aux bijoux, à l’argenterie et aussi aux meubles. C’est l’une des rares foires où l’on trouve du mobilier classique ou Haute Epoque (Moyen Age, Renaissance et XVIIe siècle). La belle marchandise est présentée sous un jour glamour et dans un environnement  » mis en scène « . Le visiteur a le sentiment de pénétrer dans un intérieur joliment aménagé qui ose des mélanges insolites et reflète les dernières tendances de la décoration. En France, en revanche, on hésite à mélanger les époques et les styles, les stands sont plus puristes. Les Français viennent chercher l’éclectisme en Belgique.

Une organisation au top niveau

Les exposants français sont unanimes : Antica Namur se distingue aussi par des qualités d’organisation et de service exceptionnelles. Elles sont la marque de fabrique d’EasyFairs, leader européen dans l’organisation des salons. Pour Eric Everard, son fondateur, les valeurs stratégiques se résument à 4  » C « . Tout d’abord, le Concept. Antica Namur défend les antiquités classiques et éclectiques. Cette différenciation constitue un atout. Ensuite, le Client. Les antiquaires français ne sont pas obligés d’inviter leurs acheteurs, car la clientèle est déjà présente. Gestionnaire d’Art Brussels et d’Eurantica, EasyFairs brasse un très large public de collectionneurs, de tous niveaux et de tous horizons. En troisième lieu, la Créativité. La foire de Namur offre un tremplin à de jeunes antiquaires dont un tiers ont moins de 45 ans. Elle est ouverte à de nouveaux secteurs (vintage, objets de curiosités, tableaux d’après-guerre, photo ancienne), tout en restant fidèle aux domaines classiques comme l’argenterie ou le bijou ancien. Enfin, C comme Champion. L’équipe d’organisation, constituée de collaborateurs triés sur le volet, contribue indéniablement à la réussite de la foire. L’addition de ces 4 C apporte une réelle valeur ajoutée à cet événement namurois qui séduit un public de plus en plus large.  » Antica Namur suscite aussi un grand intérêt auprès des professionnels, des antiquaires et des décorateurs, note Luc Darte. Leur fréquentation est en hausse.  »

Un mobilier qui sort du lot

Basé à Versailles, Ludovic Pellat participe à Antica Namur depuis six ans.  » Les Belges ont conservé le goût pour le mobilier classique élégant du XVIIIe siècle et particulièrement des époques Louis XIV et Régence, signale l’antiquaire. Ma spécialité, c’est justement l’époque Régence, d’où cette parfaite adéquation de goûts. Nous avons toujours de bonnes retombées, pendant la foire et après. Par ailleurs, nous apprécions beaucoup l’éclectisme en vigueur en Belgique. En France, on a tendance à enfermer les différentes époques dans un carcan. En Belgique, en revanche, on associe volontiers des périodes classiques et modernes. De surcroît, nos amis belges ont conscience des tarifs. Des clients nous suivent et viennent nous voir à Versailles. Il arrive aussi qu’ils nous proposent des oeuvres à la vente. Au bout du compte, tout le monde s’y retrouve.  » A Namur, Ludovic Pellat montrera une rare  » table d’accouchée « , réalisée vers 1760-1770 par Pierre Migeon, membre d’une prestigieuse famille d’artisans ébénistes. Sa singularité ? La table de lit s’enfile sur la table à écrire qui peut ainsi être également utilisée la nuit. On verra aussi une paire de flambeaux de la famille d’Orléans ayant appartenu au roi Louis-Philippe, un portrait de la duchesse de Portsmouth, maîtresse du roi d’Angleterre Charles II, signé par le célèbre portraitiste Pierre Mignard à la fin du XVIIe siècle et quatre chaises Régence, proches d’un dessin de Nicolas Pineau, sculpteur et inventeur de la rocaille française.

L’art du XXe siècle

Le fer de lance de la galerie Capazza, située en plein coeur de la Sologne ? Promouvoir la création artistique contemporaine avec l’idée d’un décloisonnement, c’est-à-dire en réunissant la sculpture, la peinture, la céramique, le verre, la photographie et l’orfèvrerie.  » Nous serons à Namur pour la troisième fois, s’enthousiasme Laura Capazza-Durand. Nous y sommes venus sur les conseils de collectionneurs belges qui connaissaient notre galerie et les artistes que nous représentons. Nous aimons la spécificité de cette foire où se côtoient les antiquités et l’art contemporain. A Namur, l’accueil est exceptionnel, on sent la qualité du regard du public belge et sa culture profonde.  » La galerie Capazza alignera, notamment, un oiseau en argent baptisé Le printemps des colombes de l’orfèvre français Goudji (né en Géorgie en 1941), une sculpture en bronze nommée Kamakura de Georges Jeanclos (1933-1997) et une série de photographies abstraites (argentiques) d’Olivier Dassault (né en 1951).

Cinq mille ans d’histoire

Fils et petit-fils d’antiquaires, le Parisien Charly Bailly vient à Namur pour la première fois, sur le conseil de Jean-François Régis, antiquaire français établi  » par amour  » à Bruxelles depuis belle lurette.  » Jean-François nous parle souvent de cette foire, extrêmement chic, selon lui, et très centrale par rapport à l’Europe, dit Charly Bailly. Nous voyons l’évolution des chiffres et nous nous sommes rendu compte que notre goût est celui des Belges francophones !  » Eduqué depuis tout petit à la beauté des oeuvres d’art de toutes les époques, Charly Bailly couvre cinq mille ans d’histoire, de la préhistoire à l’art contemporain, avec une préférence pour les tableaux et les dessins. A Namur, il dévoilera les plus beaux exemples de ses dernières acquisitions dont une superbe huile sur toile attribuée à Pieter Balten (1525-1598), intitulée Kermesse avec performance théâtrale (153 x 286 cm). Le travail de ce maître anversois était focalisé sur les fêtes folkloriques de sa région et le tableau illustre la fête en l’honneur de Saint-Georges. L’autre merveille de Charly Bailly ? Le tableau Apollon sur son char solaire de Jan Boeckhorst. Il s’agit d’une esquisse préparatoire pour une série de tapisseries. Entouré de quatre Saisons, Apollon conduit son char solaire tiré par quatre chevaux.

Focus sur les maîtres flamands

Historienne de l’art parisienne, Florence de Voldère est une spécialiste mondialement réputée des peintres des écoles du Nord. Les collectionneurs belges, très fidèles, seront heureux de découvrir à Namur ses dernières acquisitions dont Le cabinet d’amateur (huile sur bois, 60 × 90 cm) de Jan Bruegel le Jeune et l’Atelier (1601-1678).  » Les Bruegel ont travaillé avec les naturalistes et ont excellé dans la présentation de fleurs, de plantes et d’animaux, explique Florence de Voldère. Dans le cabinet d’amateur, on voit au premier plan un petit singe face à un tableau. Il est en train de chausser les lunettes mais les prend à l’envers. Il s’agit d’une dérision, l’artiste se moque des savants qui mettent des lunettes et qui ne voient pas pour autant.  » Le maître anversois Abel Grimmer (1570-1619), lui, aimait peindre les quatre saisons et représenter les douze mois de l’année. Dans le tableau Le bon pasteur, signé et daté de 1611, il a immortalisé le mois de juin avec la tonte des moutons.

Du 14 au 22 novembre, à Namur Expo. www.antica.be

Par Barbara Witkowska

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