J’ai lu votre dossier » Les fiascos de l’histoire de Belgique » (Le Vif/L’Express du 6 janvier) avec un intérêt certain, mais aussi avec une certaine consternation concernant le point du » refus du bilinguisme en 1932 « . Je pensais qu’avec la publicité qui a notamment été faite à la publication du Cahier du Crisp » La frontière linguistique » en août 2010, en pleine tension nationale, le mythe du bilinguisme-offert-par-les-Flamands-en-1932-et-refusé-par-les-francophones aurait définitivement vécu. […]
En 1932 (en pleine montée du nationalisme flamand dans l’ » Ordre nouveau « ), la revendication flamande est en fait celle de l’unilinguisme intégral dans l’administration flamande. Parallèlement, vu la difficulté pratique de rendre bilingues les fonctionnaires de l’Etat central comme prévu en 1921, les députés flamands exigent que le principe de 1921 soit assorti de sanctions et d’un calendrier plus contraignant. Il n’y a donc plus d’ » offre » du bilinguisme, mais une exigence d’une application plus stricte du régime existant déjà. De surcroît, les catholiques flamands et le Frontpartij (ancêtre de la Volksunie et de la N-VA) préfèrent clairement l’unilinguisme. […]
Il n’y a jamais eu de » proposition flamande de rendre l’ensemble du pays bilingue » en 1932. Les débats parlementaires, accessibles sur la Toile, le démontrent aisément. Le débat de 1932 porte sur la manière d’appliquer réellement un bilinguisme qui existe déjà dans les textes et qui n’est pas suffisamment appliqué, uniquement pour les fonctions centrales de l’Etat et donc pas pour les pouvoirs locaux, et les positions entre francophones et Flamands sont bien plus partagées (dans les deux communautés) que ce que le Mouvement flamand en a retenu.
Le Mouvement flamand véhicule une version distordue de cette période, de manière à rejeter quatre-vingts ans plus tard la responsabilité de l’obligation à se convertir à l’unilinguisme sur les francophones. […]
Il est désolant de constater (une fois de plus, et vous êtes loin d’être le seul…) que les médias francophones se font les efficaces colporteurs des mythes flamands, et renforcent donc les positions de ceux-ci dans l’opinion.
Il n’est pas donné suite aux lettres ouvertes ou portant des adresses incomplètes. La rédaction raccourcit certaines lettres pour permettre un maximum d’opinions.
STÉPHANE RILLAERTS, SOIGNIES, AUTEUR DU CAHIER DU CRISP » LA FRONTIÈRE LINGUISTIQUE » (2010)