Le photovoltaïque remonte (un peu) la pente

Lentement mais sûrement, le nombre d’installations photovoltaïques résidentielles repart à la hausse après deux ans de calme plat. Le secteur veut croire à une sortie de crise, mais accuse le gouvernement de ne pas le soutenir comme prévu. En attendant, les pertes d’emplois se comptent par centaines.

Fin février 2014. Comme tous les ans depuis 2008, Jérôme Kervyn de Meerendré a loué un emplacement à Batibouw. Un investissement conséquent, mais qui en vaut la peine : d’habitude, les contrats affluent et se signent directement sur le stand. Mais cette année, les brochures restent désespérément empilées. Les passants manifestent bien quelques signes de sympathie, mais aucun n’aurait l’idée de passer commande. Les autres exposants du palais 10 ne dégainent pas davantage leurs stylos.

Fin février 2015. Les installateurs de panneaux photovoltaïques ont déserté Batibouw. Ceux qui tentent de survivre n’ont plus les moyens de se payer un emplacement. Les autres sont morts. Tout comme la société de Jérôme Kervyn de Meerendré, Sunswitch. Faillite prononcée le 20 mars 2014. Fin de l’histoire pour celle qui figurait parmi les plus grosses entreprises wallonnes du secteur, employant jusqu’à une centaine de personnes.  » Cela faisait un an qu’on ne vendait plus, se souvient le cofondateur. Batibouw 2014 devait relancer l’activité. Quand on a vu qu’on n’y concluait aucun contrat, on s’est dit qu’il n’y avait plus d’espoir.  »

Pourtant, l’espoir était censé porter un nom : Qualiwatt. Le plan concocté par le gouvernement wallon pour sortir de la crise qu’il avait lui-même provoquée. D’abord, en mettant fin au sur-subsidié système Solwatt, tellement avantageux pour celui qui y souscrivait qu’il était devenu impossible à supporter pour les finances publiques. Ensuite, en changeant les règles en cours de route, réduisant la période d’octroi de certificats verts de 15 à 10 ans pour les installations les plus anciennes. Enfin, en annonçant la mise en place d’une redevance à charge des propriétaires de panneaux qui, jusqu’alors, ne payaient rien pour l’utilisation du réseau.

Un rendement de 6 %

Qualiwatt devait donc faire table rase. Adieu certificats verts, bonjour prime annuelle proportionnelle au nombre de kilowatts-crête installés. Ce système, voté en janvier 2014 et mis en application deux mois plus tard, est certes moins juteux, mais malgré tout rentable. Selon Test-Achats, le rendement de panneaux solaires exposés plein sud et ayant coûté 1 600 euros par kWc pourrait atteindre 6 % en Wallonie (contre 7 % à Bruxelles où les certificats verts sont toujours en vigueur, mais 2 % en Flandre où tout soutien public a disparu).

 » Je m’étais dit qu’il faudrait quatre ans au marché pour reprendre. Deux ont déjà passé sans qu’il y ait de relance et je ne vois rien venir pour les deux suivants… « , se désole Jérôme Kervyn de Meerendré. Les statistiques de la Cwape (la Commission wallonne pour l’énergie) se révèlent un brin moins pessimistes. Si 2014 fut effectivement catastrophique, avec 1 553 installations contre 21 651 en 2013 et 49 149 en 2012, l’année 2015 devrait compter au moins 3 000 nouveaux toits équipés.

On est encore loin de l’objectif initial de 12 000 poses subsidiées par an. Mais le secteur s’accroche à ce soubresaut.  » Le traumatisme des changements de régime et redevances imprévues semble se tasser, la confiance revient « , assure Francis Carnoy, directeur général de la Confédération construction wallonne.  » Depuis mars 2015, la demande est de nouveau là, confirme Alexis Vander Putten, managing partner de la société Energreen à Wavre. La hausse de la TVA sur l’électricité a eu un impact positif.  »  » On passe d’une phase de quasi-rejet et d’opposition à une phase d’intérêt. Personne ne se précipite, mais il y a une demande « , confirme André Jacquinet, partenaire au sein de la société verviétoise Enersol.

Compromis

Pour David Germani, animateur de la plateforme des énergies renouvelables de la Confédération construction, ce timide regain d’intérêt n’est pas encore suffisant pour faire (re)vivre la filière.  » Lors des négociations avec le gouvernement wallon, le secteur estimait qu’il fallait 20 000 installations résidentielles par an pour garder le cap. L’objectif de 12 000 était déjà un compromis entre les désirs du secteur et les contraintes budgétaires du gouvernement.  »  » Nos craintes se confirment, ajoute Franck Gérard, conseiller chez Edora, la fédération des énergies renouvelables. Il y a une reprise, mais ce redémarrage est bien plus lent qu’espéré.  »

Les volte-face politiques, comme les abus d’entrepreneurs (lire ci-après), ont bousillé la confiance des consommateurs. Le secteur regrette surtout d’avoir été abandonné à son sort. Lors de la négociation du plan Qualiwatt, les autorités s’étaient engagées à lancer une campagne de communication pour soutenir les installateurs dans leur reconquête des clients. Jean-Marc Nollet (Ecolo) confirme, tout en refusant de s’exprimer davantage sur ses précédentes fonctions de ministre de l’Energie. Toutefois, ni sous sa houlette ni sous celle de son successeur Paul Furlan (PS), rien n’a été lancé.

 » Le gouvernement n’a même pas acheté le nom de domaine Qualiwatt.be. C’est nous qui avons développé un site à nos frais pour faire la promotion du photovoltaïque « , raille Régis François, président de l’asbl Touche pas à mes certificats verts !  » Nollet nous avait promis une campagne, puis il a dit qu’il ne pouvait rien faire parce qu’il devait respecter les règles de communication en période électorale, pointe David Germani. Puis Furlan nous a annoncé : « On fera quelque chose. » On attend toujours.  »

 » Boule puante  »

Les acteurs de la filière ont l’impression d’être des valets noirs que personne ne veut avoir dans son jeu.  » Ce dossier, c’est une boule puante, résume Franck Gérard. Qui a laissé des traces lors de la précédente législature et que personne ne veut remuer. Il est difficile de savoir si le gouvernement veut vraiment 12 000 installations par an.  »

Le cabinet de Paul Furlan estime qu’il a  » déjà pas mal parlé de tout ça « . Si une prochaine action de communication n’est pas exclue, le ministre entend d’abord attendre la troisième lecture d’un arrêté concernant la promotion de l’ensemble des énergies renouvelables. Attendue, au mieux, en début d’année.

Les installateurs devront mordre sur leur chique, même si cela leur laisse un arrière-goût de deuxième trahison politique.  » Les clients étant devenus méfiants à l’égard de la communication du secteur, on aurait vraiment besoin d’un soutien plus institutionnel, insiste David Germani. D’autant que beaucoup de gens vivent encore de cette activité. On peut les saluer, car cela a été terriblement difficile. Ils ont été obligés de licencier alors qu’ils n’avaient rien à se reprocher.  »

De 2 500 à 3 000 emplois recensés à la belle époque, la filière n’en compte plus qu’entre 300 et 600, selon les estimations. Ceux qui ont échappé aux faillites en cascade n’ont pas évité la restructuration ou, au mieux, la réorientation vers d’autres métiers.  » Si l’on doit à nouveau affronter un creux, ce sera fatal, prédit David Germani. Le feu s’est éteint, mais les braises sont en train de reprendre. C’est maintenant qu’il faut souffler dessus.  »

Par Mélanie Geelkens

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