Le luxe, un marché de niche

Belle maison de maître en centre-ville, villa cossue en périphérie ou appartement dans l’une ou l’autre localisation, l’immobilier haut de gamme liégeois comptabilise peu de transactions, ralenties par la conjoncture délicate de ces dernières années.

Le marché de l’immobilier de luxe, à tout le moins haut de gamme, est plutôt restreint dans la Cité ardente.  » Tout dépend de ce que l’on entend par luxe, précise d’emblée le courtier Michaël Géréon, responsable de l’agence liégeoise du réseau allemand spécialisé en la matière, Engel&Völkers. Liège n’est bien sûr pas comparable, sur ce plan, à Lasne ou Waterloo.  »  » Disons que l’on qualifiera, ici, un bien de « luxueux » quand son prix de vente atteint 400 000 euros « , s’essaie à définir son confrère Etienne Vandendael, de l’agence Trevi Urbis, dont le portefeuille est plus  » généraliste « , en ce compris un volet  » haut de gamme  » important. Avec ceci que, si les tarifs peuvent aller jusqu’à 600 000 ou 700 000 euros, voire dépasser le million d’euros pour une poignée de biens d’exception, la barre des 500 000 euros fait office de limite  » psychologique  » pour les riches candidats acquéreurs liégeois.  » Au-delà, les transactions se raréfient et mettent plus de temps à se concrétiser « , avertit Michaël Géréon. Bilan ? Tout au plus une petite centaine de ventes par an à Liège et environs.

Des maisons de maître et des villas

Deux créneaux prévalent sur ce segment particulier du marché : les maisons de maître du siècle dernier et les grosses villas de banlieue, dont la construction remonte, pour la plupart, aux années 1960-1970.  » Les premières se rencontrent presque exclusivement dans le centre-ville liégeois « , dépeint Michaël Géréon, en épinglant quelques localisations phares : les Terrasses, quartier huppé sis sur la rive gauche de la Meuse, délimité par l’avenue Blonden, le boulevard Piercot et l’avenue Rogier,  » une valeur sûre  » ; la zone Botanique, qui désigne un ensemble de rues voisines des jardins éponymes ; et, de manière générale, les grands boulevards et les quais qui offrent une vue sur le fleuve. Quant aux villas cossues,  » elles colonisent les communes chics des environs de Liège, autour des axes Neupré-Nandrin et Embourg-Beaufays « , pointe Etienne Vandendael.

Quid des appartements ?  » Ils peuvent être considérés comme des biens de luxe quand leur superficie atteint au moins 200 mètres carrés et qu’ils offrent, en centre-ville, une vue sur la Meuse « , reprend Michaël Géréon.  » Voire quand ils s’inscrivent dans des résidences neuves ciblant les mêmes belles communes environnantes que les villas, ajoute son confrère. Le prix du terrain y est, en effet, tellement élevé que la valeur des appartements construits grimpe en flèche.  » Pour atteindre quelque 2 200 euros le mètre carré et jusqu’à 2 600 euros pour  » le haut de la fourchette « .

En matière de terrains à bâtir justement, s’il reste bien quelques spécimens à céder çà et là dans les communes  » triple A  » –  » j’en ai vendu deux l’année passée « , glisse Etienne Vandendael – ils ne sont pas donnés : de l’ordre de 200 000 euros, auxquels il faut additionner les coûts de l’élévation de la maison. Soit un total de 600 000 à 650 000 euros, calcule le courtier.

Jusqu’à 300 000 euros de travaux

Invoquant l’incertitude ambiante liée à la conjoncture économique, les deux agents caractérisent la tranche supérieure du marché immobilier liégeois de plus  » difficile « .  » Il s’agit de la catégorie qui souffre le plus, comme partout ailleurs, déplore Etienne Vandendael. Pareils biens s’écoulent avec plus de peine, surtout quand le prix demandé n’est pas justifié.  » Un constat dans le sens duquel abonde le patron d’Engel&Völkers Liège, tout en faisant preuve de plus d’optimisme.  » Globalement, le segment du haut de gamme se porte bien, mais c’est certain que les transactions s’allongent depuis quelques années.  » Et de mettre en cause, lui aussi, les prix gonflés que pratiquent certains propriétaires gourmands.  » Avant, ils pouvaient encore se permettre d’afficher jusqu’à 20 % au-dessus de la valeur vénale des biens, assure Michaël Géréon. Maintenant, c’est fini.  »

Il faut dire que les temps et, surtout, les exigences des candidats acquéreurs ont changé.  » Prenons le cas des grosses villas plantées en périphérie de Liège, avance le gérant de l’agence Trevi Urbis. Il y a dix ans, elles se vendaient sans problème, avec leur vaste terrain de 4 000 à 5 000 mètres carrés en prime. Mais, aujourd’hui, les faveurs du public vont aux biens plus petits, situés sur des terrains de maximum 2 000 à 2 500 mètres carrés, nécessitant moins d’entretien, et… présentant un bon bilan énergétique ! » Les biens ne correspondant pas à ces desiderata verront leur prix âprement négocié. C’est qu’il y a une tonne de travaux à entreprendre ensuite pour les remettre au goût et aux normes du jour, moyennant une enveloppe supplémentaire de 200 000 à 250 000 euros, estime Etienne Vandendael.  » Il ne s’agit plus seulement de refaire la cuisine et la salle de bains, comme il est d’usage, mais de remplacer la chaudière, de mettre du double vitrage partout, de revoir l’électricité, etc. « , détaille Michaël Géréon. A noter que le constat est le même pour les belles maisons de maître liégeoises.  » Pour la plupart, elles ne bénéficient pas d’un niveau de finitions extraordinaire, acquiesce son confrère. Aux 300 000 à 400 000 euros de prix de vente s’ajoutent 200 000 à 300 000 euros de budget travaux.  »

Piscine et tennis superflus

Au rang des éléments vendeurs, facteurs de plus-value pour les propriétaires cédants, les courtiers interrogés listent, pour le centre-ville liégeois, outre la vue sur Meuse, la présence d’un jardin ou d’une belle terrasse. Mais aussi la proximité du coeur urbain, afin d’accéder aux activités diurnes et nocturnes à pied : commerces, restaurants, cinémas… Ailleurs, c’est la signature d’un architecte plus ou moins renommé qui fait mouche. Et pas tant, comme on pourrait le croire, la présence d’un terrain de tennis ou d’une piscine, par exemple.  » Ceux-ci s’apparenteront plus à une charge qu’un bonus, met en garde Etienne Vandendael. Les gens jouent au tennis en club, de nos jours. Ils n’ont donc pas besoin d’un terrain sur leur propriété, et connaissent le prix de la construction d’une piscine s’il leur venait l’envie de s’en offrir une. Dès lors, si piscine il y a, elle aura un effet positif sur la vente uniquement dans le cas où elle est de belle facture et impeccablement entretenue.  » La valeur d’équipements intérieurs de type jacuzzi et autres est, elle, carrément indéterminée.  » On en trouve très peu sur le marché, observe Michaël Géréon. C’est vraiment une niche.  »

Une niche dans laquelle s’engouffre avec précaution un public essentiellement liégeois, composé de professions libérales et de cadres supérieurs pour la plupart.  » S’il s’agit d’une belle propriété située le long de l’E40 ou dans la région de Waremme, on pourra trouver, parmi les acquéreurs intéressés, une population issue de Bruxelles ou du Brabant wallon « , nuance Michaël Géréon.

Par Frédérique Masquelier

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