Longtemps incrédule, le pays de Moubarak découvre peu à peu » ses » fondamentalistes
De notre correspondant
Ce n’est pas un Egyptien qui a fait cela « , » ça ne peut pas être un musulman » : après chaque attentat, en Egypte la réaction est la même. Dans ce pays particulièrement pieux, rares sont ceux qui admettent que la religion puisse conduire à de telles dérives. Devant la progression des formes les plus radicales de l’islam, wahhabisme ou salafisme, beaucoup d’Egyptiens s’enferment dans le déni, préférant rejeter sur la politique américaine ou israélienne la responsabilité des événements. Une attitude qui explique la faible mobilisation de la population après les attentats du 23 juillet à Charm el-Cheikh, à l’exception d’une » marche pour la paix » organisée par les hôteliers de la station et d’une autre, orchestrée par le gouvernement, rassemblant intellectuels et dignitaires religieux. Au Caire, il y a bien eu des appels relayés par les blogs sur Internet ou par SMS, mais la manifestation organisée contre le terrorisme n’a réuni que quelques personnes dans le centre de la capitale, avant d’être dispersée par la police. Une veillée aux chandelles, prévue le 29 juillet au parc Al-Azhar, jardin qui domine la mosquée millénaire, a ensuite été interdite pour » raisons de sécurité « , raconte un des initiateurs, qui regrette aussi l’apathie de ses amis : » Personne n’ose bouger. L’un d’eux m’a dit qu’il ne participerait pas à une manifestation interdite, parce que le Coran dit qu’il ne faut pas s’opposer à l’autoritéà » De guerre lasse, les organisateurs ont annulé la veillée. Le lendemain, les forces de l’ordre réprimaient une manifestation de l’opposition contre Hosni Moubarak. Depuis les attentats de Charm el-Cheikh, davantage de voix s’élèvent pourtant pour réclamer une prise de conscience. Pour Al-Ahram, le plus prestigieux des quotidiens cairotes, le monde arabe doit arrêter de se cacher derrière les souffrances des Palestiniens ou des Irakiens : » C’est l’obscurantisme qui est à l’origine de la montée du terrorisme « , assène le journal. Dans l’hebdomadaire Al-Moussawar, Abdelkader Choheb déplore » l’indifférence dont a fait preuve l’Etat (égyptien) à l’égard de la montée des idées extrémistes dans la société « . » Ces idées sont systématiquement diffusées dans les mosquées, dans des livres et même sur les écrans de télévision, facilitant l’endoctrinement des jeunes « , accuse le journaliste, qui appelle à élaborer une stratégie pour lutter contre l’extrémisme. l
Tangi Salaün