Le dernier combat
Clint Eastwood filme la boxe mais surtout la vie… et la mort, dans un Million Dollar Baby bouleversant de sobre émotion. Face au maître, Hilary Swank est extraordinaire
(1) Quatre prix majeurs dont Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleure interprète féminine.
(2) Million Dollar Baby (La Brûlure des cordes). Albin Michel, 304 p.
Le triomphe de Million Dollar Baby aux oscars (1) est venu consacrer un film admirable, où Clint Eastwood signe une de ses £uvres les plus accomplies, tandis que Hilary Swank confirme qu’elle est sans doute bel et bien l’actrice la plus talentueuse de sa génération. La rencontre entre le réalisateur d’ Impitoyable et l’interprète de Boys Don’t Cry était riche de promesses, d’autant que le roman de F.X. Toole (2) adapté par le cinéaste avait de quoi l’inspirer de la meilleure façon.
Cette histoire prenant la boxe pour toile de fond met en présence un entraîneur remarquable mais inhibé par de précédents échecs, et une jeune femme voyant dans sa passion pour la boxe l’unique issue positive à une existence marquée par des origines misérables et une solitude profonde. La seconde est prête à tout pour que le premier la prenne pour élève et la mène vers une carrière rendue hypothétique par l’âge (31 ans déjà) et l’inexpérience. Frankie Dunn (joué par Eastwood lui-même) commencera par repousser cette demande insistante. Mais, impressionné par la détermination de cette femme lui rappelant peut-être sa propre fille qu’il ne voit plus depuis longtemps, il finira par devenir l’entraîneur, puis le manager de Maggie. Et cette dernière, possédant un punch peu banal, commencera dès lors une ascension vers la gloire, avec, au bout des poings, un rêve que seul un cruel destin, allié à la méchanceté d’une adversaire malhonnête, pourra transformer en cauchemar…
Le personnage de Frankie Dunn s’inscrit en droite ligne dans la déjà longue série d’hommes durs parce que blessés, marqués par un passé d’erreurs, de fautes et de rendez-vous manqués que Clint Eastwood a campés à l’écran. Plus sobre que jamais, dans le jeu comme dans la mise en scène, l’acteur et réalisateur signe avec Million Dollar Baby un de ses meilleurs films, et sans conteste le plus émouvant. Car, au-delà de la boxe, c’est du sens de la vie û et aussi de la mort û que nous parle cette £uvre intense. Elle le fait avec une force, une sincérité, une audace aussi (en osant l’euthanasie dans le contexte religieux conservateur que l’on connaît aux Etats-Unis) qui vont droit au c£ur du spectateur. Hilary Swank est parfaite dans un rôle balayant tout le spectre des sentiments possibles. Morgan Freeman, en compagnon de route et conscience de Frank Dunn, apporte lui aussi sa touche subtile à une réussite exemplaire de grand cinéma classique et intimiste, passant par le genre pour atteindre une rare vérité humaine. Du grand art, qu’on emporte avec soi bien longtemps après le générique final.
Louis Danvers
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