Neuf ans après son inauguration, le Country Hall commence seulement à cicatriser les blessures du passé. Des spectacles sont à nouveau annoncés et la structure de gestion devrait être clarifiée. Mais l’équilibre financier ne sera sans doute jamais atteint.
Neuf ans à peine et déjà trois vies. Naissance tumultueuse. Mort clinique. Réanimation. Inauguré en octobre 2005, le Country Hall n’a jamais réellement connu l’éclat de la réussite. Le bébé de » Papa « , ce bâtiment censé traduire en briques l’influence politique de feu Michel Daerden, devait à la fois devenir un haut lieu sportif et un Zénith à la sauce liégeoise. L’ancien ministre socialiste des Sports avait donné à l’endroit les moyens de ses ambitions : 34 millions d’euros.
Un chantier presque doublement plus salé qu’escompté. Résultat des courses : chaque année, en février, le crédit hypothécaire se rappelle au bon souvenir des gestionnaires : 1,75 million d’euros. Encore pendant vingt ans. Avec un tel passif financier, les dés étaient forcément pipés, même lorsque toutes les parties prenantes étaient encore (en apparence) tout feu tout flamme. Mais l’état de grâce ne dura pas longtemps.
En 2007, le Country Hall est déjà à deux doigts de la faillite. Le conseil d’administration est remanié une première fois, Ethias retire ses billes (et ses 200 000 euros de parrainage annuel), un partenariat avec Voo échoue, Covadis, appelée à la rescousse pour la gestion des lieux, rompt son contrat après moins d’un an…
Dès 2011, la salle de spectacle ne donne presque plus signe de vie. Même son site Internet a disparu. Seul le club Liège Basket, occupant historique, y dispute encore des matches. Quant aux spectacles, ils se succèdent au compte-gouttes : 11 en 2011, 6 en 2012, 5 en 2013. En ce compris la journée de formation des cadets des pompiers ou la fête du personnel de la Province.
Gouffre financier
Des événements » culturels » qui coûtent décidément cher à la province et la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui subsidient la Société de gestion du Bois Saint-Jean (société anonyme qui gère la salle) respectivement à hauteur de 750 000 et 1 million d’euros annuellement. Sans oublier les frais de fonctionnement (400 000 euros) et les pertes qui doivent être épongés par feue la Communauté française.
Ce » gouffre financier « , comme on aime le surnommer en bord de Meuse, a été soumis en 2011 à un audit commandé par le ministre des Sports de l’époque, André Antoine (CDH). Une vente est même envisagée, option abandonnée au profit d’une transformation de la société.
C’est dans ce contexte houleux qu’à l’été 2012, un nouveau conseil d’administration est installé. » Le mot d’ordre était : cet outil existe, ne parlons plus du passé, faites-le fonctionner, se souvient Alain Defays, président du conseil d’administration et conseiller provincial CDH. Le renouveau est amorcé, mais on ne relance évidemment pas le Country Hall comme une salle paroissiale ! »
Pour la première fois depuis un bail, des spectacles sont programmés. Soubresauts timides, mais volontaristes. » Nous avons hérité d’une gestion passée calamiteuse, issue du modèle qui avait été défini par feu Michel Daerden, pointe Quentin le Bussy, administrateur et conseiller communal Ecolo. Les charges sont trop importantes par rapport aux rentrées et, quoi qu’on fasse, il est impossible d’en faire un outil qui se paie. »
» Oui, la salle coûte cher, enchaîne Alain Defays. Nous n’arriverons jamais à l’équilibre. Comme pour les piscines, les théâtres, l’opéra, les pouvoirs publics doivent nous soutenir. » Le président du conseil d’administration stipule cependant que le déficit se résorbe d’année en année, atteignant aujourd’hui 334 000 euros contre 600 000 à 700 000 euros par le passé.
» Si la salle était aux mains d’un privé, le gars se battrait sans doute un peu plus, suppose Quentin le Bussy. Nous nous battons aussi. Avec des moyens limités. Et puis, le nouveau CA ne comporte pas d’énormes pointures. »
Administrateurs de second plan
Force est effectivement de constater que la liste d’administrateurs est dépourvue de personnalités politiques de premier plan. Exit les Willy Demeyer, André Gilles et autres Jean-Pierre Grafé des premiers temps… » Quand André Antoine m’a proposé ce poste bénévole, ce n’était pas le mandat que je convoitais le plus « , concède Alain Defays.
Quant au MR, il a quitté le navire avec fracas en 2012, sous la pression de Didier Reynders et Daniel Bacquelaine. Les libéraux sont aujourd’hui prêts à revenir à bord, confirme Philippe Dodrimont, président de la fédération MR liégeoise. » Mais nous voulons un plan de gestion très clair, ainsi qu’un programme ambitieux. »
L’éclaircissement devrait venir du changement annoncé de statuts. La Fédération Wallonie-Bruxelles, sous la précédente législature, a voté la dissolution d’une société anonyme au profit de la création d’une asbl, qui chapeauterait également les autres infrastructures sportives limitrophes, comme le centre Blanc Gravier et celui du Bois Saint-Jean. Le chantier est en cours. Reste à savoir quels partenaires extérieurs pourraient être intégrés. L’université qui exploite le Blanc Gravier ? L’Adeps ? La ville de Seraing, limitrophe ? Au Country Hall, on aimerait déjà que celle de Liège se mouille davantage. » Si j’avais un tel outil sur le territoire de ma commune, je ferais tout pour qu’il fonctionne « , lance Philippe Dodrimont. Or la Ville serait aux abonnés absents. Cette distance, selon les rumeurs, remonterait à l’inimitié notoire entre Michel Daerden et Willy Demeyer. » Elle pourrait nous donner un petit subside ou organiser des événements ici. Les sous ne font pas tout « , plaide Alain Defays.
Le bourgmestre socialiste liégeois se défend de cette non-implication. » Nous n’avons pas d’administrateur, mais notre soutien se matérialise via le subside alloué au club de basket qui, jusqu’à la saison dernière, payait plus que tous les autres clubs de D1 réunis ! » Une aide annuelle qui s’élève à 90 000 euros. » C’est plus que pour le Standard « , remarque Willy Demeyer.
Par Mélanie Geelkens