L’ex-parlementaire et ministre MR se découvre une passion pour le jeu de construction Lego. Monarchie, république, Etat confédéral ? Hervé Hasquin se moque de l’emballage de la Belgique. L’historien invite à secouer la boîte pour réempiler enfin les pièces souplement.
Le Vif/L’Express : Déconstruire la Belgique pour lui assurer un avenir, vaste programme ! Le confédéralisme est en marche mais le cap est sournoisement franchi, dites-vous. Pourquoi ce refus d’appeler un chat un chat ?
Hervé Hasquin : Toute cette discussion sur l’usage des mots est parfaitement hypocrite et sert uniquement les positionnements politiques. L’immense majorité des citoyens, pardonnez-moi d’être trivial, n’en a rien à cirer de ce genre de débats. Ce qui les intéresse surtout, c’est un Etat efficace. Je partage leur avis : république, monarchie, unitarisme, fédéralisme, confédéralisme, je m’en fiche. Peu importe la forme de l’Etat, pourvu qu’il soit efficace.
C’est exactement ce que Bart De Wever se tue à dire…
Eh bien, oui. On essaie de le sataniser mais c’est un homme plus pragmatique qu’on le dit.
Comment dessiner cet Etat efficace ?
En lui enlevant sa lourdeur, en lui donnant une flexibilité, une plasticité. C’est la politique du Lego, et non l’adoration d’une icône comme l’Etat unitaire, qui a permis et permettra à la Belgique de survivre. Il faut pouvoir s’adapter, suivre le mouvement.
C’est un hommage appuyé au bricolage institutionnel à la Dehaene ?
Mais on fait tout le temps du Dehaene, sans le dire et même parfois sans le savoir. La Belgique a toujours fait du Dehaene, même bien avant Dehaene ! Et c’est très bien ainsi.
L’heure est, paraît-il, à la trêve communautaire. La coalition suédoise N-VA-CD&V-Open VLD-MR s’offre une pause institutionnelle. C’est un bon plan ?
Soyons sérieux. Là, on est dans le mensonge politique, cautionné par la presse. J’ai été suffisamment député, sénateur, ministre, pour savoir que tout est communautaire dans les matières fédérales. D’accord, il n’est pas prévu de grandes réformes institutionnelles. Bien sûr, la structure de l’Etat ne changera pas ces cinq prochaines années. Cela ne veut pas dire qu’à l’heure de répartir les budgets, les couteaux ne seront pas tirés. Mais tout cela n’est que très banal, très normal. Faire semblant de dire qu’il y a une trêve communautaire, c’est de l’escroquerie.
S’adapter signifie pour les francophones s’ajuster à la seule certitude que vous retenez : l’existence d’une nation flamande.
La Wallonie, comme la Flandre, ne peut pas abandonner Bruxelles. Il est illusoire d’évoquer une » nation » francophone, même si j’espère le maintien des relations entre Wallons et Bruxellois. Sociologiquement et dans des tas de domaines, ils s’écartent de plus en plus les uns des autres, mais ils partagent une même langue et une même culture. Et c’est énorme.
Mais où placez-vous exactement les pièces attribuées aux Wallons et Bruxellois dans votre jeu de construction ?
Je vous l’ai dit, je ne me braque pas sur les institutions. La Belgique évoluera encore beaucoup, son existence future n’est certainement pas menacée à court terme, mais ses structures varieront encore.
Un big bang à la belge qui éparpillerait toutes les pièces sur le tapis, cela ne serait pas le meilleur nouveau départ ?
La population belge n’aime jamais être trop brusquée. Ici en Belgique, pas de coups de feu, pas d’attentats ou d’assassinats politiques pour des questions linguistiques. Je crois toujours dans la très grande maturité démocratique de la société belge. Elle me rassure beaucoup plus que l’état actuel de la société française.
Déconstruire la Belgique ? Pour lui assurer un avenir ? par Hervé Hasquin, Académie royale de Belgique – collection L’Académie en poche, 138 p.
Entretien : Pierre Havaux