Le combat d’une vie

Bien plus qu’un très bon boxeur, Bea Diallo est surtout un homme irradiant de bonté et de gentillesse

(1) IBF International Boxing Federation û WBA World Boxing Association û WBC World Boxing Councilû IBO International Boxing Organization .

Bea Diallo a le regard sombre, voire noir. Pour une fois, il a laissé sa bonhomie naturelle et habituelle au vestiaire. Considéré souvent comme quelqu’un de trop gentil, le boxeur belge d’origine guinéenne a la rage. Et comme il l’annonçait un peu fièrement lors de sa dernière conférence de presse :  » J’ai un peu honte de vous l’avouer mais moi le gentil boxeur, je voudrais être le 27 septembre sur le ring du Spiroudôme de Charleroi pour lui rentrer dedans. Je ne sais pas si cela me permettra de gagner mais cette fois on ne pourra pas me reprocher un manque d’agressivité.  » Son adversaire du jour sera le Néerlandais Raymond Jova, d’origine surinamienne. Celui-ci considère ce combat comme une corvée négligeable à expédier au plus vite, une attitude méprisante qui a fait monter l’adrénaline du champion belge pour son premier grand rendez-vous mondial. Bea Diallo tentera de décrocher, face à Joval, la ceinture mondiale IBO ( International Boxe Organization) des poids moyens. Une issue favorable lors de ce combat lui permettra également de se mesurer au terrible Américain Bernard Hopkins, le champion de 36 ans qui est parvenu à unifier les titres IBF, WBA et WBC (1). Champion intercontinental IBF des poids moyens, le Bruxellois a déjà défendu son titre à six reprises. Pourtant, il n’y a pas que la boxe dans la vie de Diallo.

Né au Liberia, puis élevé en République de Guinée, la famille de Bea s’établit assez rapidement en Europe. Fils de diplomate, il vit d’abord à Paris dès l’âge de 5 ans. Là il doit affronter la dure réalité de la vie et faire l’apprentissage d’un autre monde ; il est confronté au racisme, à la montée du Front national, à la violence urbaine et aux conflits entre Skinheads et mouvements anti-racistes. Mais la non-violence ne paie pas toujours et le jeune homme apprend à se servir de ses poings. Pas pour attaquer mais uniquement pour se défendre, assure-t-il. Malgré son enfance dorée, l’adolescent se montre turbulent et bagarreur. En 1985, la famille prend la direction de Bruxelles. Puis, un jour, Bea pénètre pour la première fois dans une salle d’entraînement d’un club de boxe. Il apprend alors la discipline. Mais il apprend également à accepter les raclées. Car se battre en rue et se mesurer sur un ring, cela n’a rien de commun. Et même si, petit à petit, tous ses copains abandonnent les entraînements, lui, il s’accroche. Car, bien plus qu’une école de vie, la boxe lui enseigne beaucoup sur sa propre personnalité. Lorsque l’on combat seul face à son adversaire, il est impossible de tricher !

Sans le dire à ses parents, il va alors devenir accro à la salle et aux entraînements. Il fourbit ses armes sur le ring et affronte ses premiers adversaires. En 1994, il termine ses études de marketing à l’ULB. Pourtant un an plus tard, il devient champion de Belgique des poids moyens puis du Benelux. En parallèle à son sport, le champion multiplie les activités. En 1996, il lance une compagnie de gardiennage, les Champs Angels. Elle dit vouloir mettre l’accent sur la prévention et le dialogue. Pas question que ses vigiles fassent preuve de violence avec les jeunes qui se font attraper. A Conakry, en Guinée, il crée une société de transport urbain et donne ainsi du boulot à plus de 250 personnes. Et ce n’est pas tout, il souhaiterait encore y concrétiser l’un de ses rêves : faire construire un hôpital ! Mais pour ce faire, il devrait encore accumuler les succès planétaires pour réunir les fonds nécessaires.

Fier de ses origines, Diallo ne se considère ni comme belge ni comme guinéen. Il est belgo-guinéen. Il est parvenu à puiser les richesses de ses deux cultures. Mais dès que l’on évoque sa vie privée, l’homme est plus avare d’informations. Sa vie, il la garde pour lui et pour ses proches. Père de quatre enfants, il connaît l’importance de la famille. A l’instar d’autres boxeurs comme Mohammed Ali, Bea est musulman. Profondément et discrètement.

Dans quelques années (il vient d’avoir 32 ans), il descendra définitivement du ring. Mais la retraite ne lui fait pas peur. La boxe est seulement une partie de sa vie, une facette de son personnage. Bea Diallo est avant tout un homme qui donne beaucoup aux autres. Sportif généreux et équilibré, il est bien plus qu’un modèle pour les jeunes générations. Il est tout simplement un homme de c£ur.

Laurent Toussaint

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