Le globe-trotteur et cinéaste suisse Bernard Weber était parti d’une bonne intention. Epouvanté par l’acharnement des taliban à détruire les bouddhas géants de Bamiyan, en 2001, il s’était mis en tête d’aider à leur reconstruction en organisant une sorte de fundraising géant, appuyé sur une compétition internationale inédite. L’objet était de désigner les sept » nouvelles » merveilles du monde, par le biais d’un grand vote populaire sur Internet.
Depuis l’Antiquité, il est vrai, la liste de ces prouesses humaines, attribuée à Philon de Byzance (vers 200 av. J.-C.), n’avait jamais été remise à jour et restait une question vache pour jeux télévisés. A l’exception de la pyramide de Kheops, en Egypte, six de ces sept chefs-d’£uvre (le temple d’Artémis, à Ephèse, le tombeau de Mausole, à Halicarnasse, les jardins suspendus de Sémiramis, à Babylone, le colosse de Rhodes, le phare d’Alexandrie, la statue de Zeus à Olympie) avaient disparu il y a belle lurette. Le hit-parade du IIIe millénaire s’est donc voulu résolument touristique. Au final, les suffrages des internautes ont retenu la Grande Muraille de Chine, la statue du Christ rédempteur, à Rio, la cité troglodyte de Pétra, en Jordanie, le mausolée du Taj Mahal, en Inde, le Colisée, à Rome, les vestiges incas du Machu Picchu, au Pérou, et l’ancienne cité maya de Chichen Itza, au Mexique.
Mais le remake historique est un art difficile. En particulier dans un monde globalisé. Bernard Weber a eu beau obtenir la participation d’immenses vedettes (de Ben Kingsley à Jennifer Lopez, en passant par la reine Rania de Jordanie), il a soulevé une lame de fond. L’Unesco, par exemple, dont la fonction est de répertorier le Patrimoine mondial (soit, actuellement, 851 sites), s’est ostensiblement désolidarisée de l’événement, critiquant un choix jugé » ni démocratique ni scientifique « . La Chine a accueilli sa qualification avec une parfaite indifférence. En Inde, à Agra, près du Taj Mahal, on a décidé d’offrir une réduction de 20 % dans les chambres d’hôtel, pendant un an. Par-dessus tout, les nations qui n’ont pas eu l’heur d’être retenues ne se sont pas privées d’éreinter l’initiative. Et la tour Eiffel, alors ? Et l’Acropole ? Et la statue de la Liberté ? Et Angkor ? Et Tombouctou ? Etc. Résultat, une cacophonie exemplaire. Rendez-nous les merveilles disparues : elles mettaient tout le monde d’accord !
CHRISTIAN MAKARIAN