Le Belge pas assez prévoyant

Pour protéger leurs vieux jours, les Belges anticipent et prennent les bonnes dispositions financières. Mais en matière de succession, comme le montre notre enquête exclusive Le Vif/L’Express-Dela, ils ne sont pas assez prévoyants. Moins d’un sur cinq a rédigé son testament. Et si certains outils de planification sont négligés, c’est souvent par manque d’information.

Longtemps tabou, le thème de la succession s’invite aujourd’hui de plus en plus facilement à la table des discussions familiales. Il faut dire que les instruments qui permettent de la planifier se sont multipliés ces dernières années, autorisant les Belges à rivaliser d’ingéniosité pour éviter à leurs héritiers le paiement de trop lourds droits de succession. Donations, fondations, assurances-vie et décès, assurances obsèques… Jusqu’à quel point les gens les connaissent-ils et en font-ils usage ? Tel est l’objet de notre enquête exclusive Le Vif/L’Express-Dela réalisée par Internet auprès de 3 333 répondants, dont 1 119 francophones (33,6 %) et 1 168 retraités (35 %), dont voici les principaux résultats.

Des vieux jours bien assurés

Prudence est mère de sûreté, dit le proverbe. Les répondants à notre enquête l’illustrent parfaitement. Dans leur immense majorité, ils confirment avoir pris des dispositions pour protéger leurs vieux jours (lireletableau ci-contre). Précautions en tout genre : 87 % disposent d’une assurance hospitalisation susceptible d’intervenir si leur santé décline, presque autant sont propriétaires de leur logement et près de 8 personnes sur 10 ont une épargne-pension.

Dans ce dernier cas, la prévoyance démarre tôt : les moins de 35 ans sont déjà 65 % à cotiser, ce taux grimpe à 78,5 % dans la tranche 35-45 ans et même à 84 % chez les 45-55 ans. Parmi les autres précautions identifiées par l’enquête, relevons l’assurance maladie complémentaire (29 %), l’investissement immobilier (20,6 %) et les plans financiers (11,4 %).

Lorsqu’il se projette dans l’avenir, le Belge pense donc volontiers à lui. Quant à songer aux autres, c’est une autre affaire. En particulier lorsqu’il s’agit d’organiser sa succession. Ils ne sont que 18,4 % à avoir rédigé un testament et ce taux peine à atteindre les 24 % chez les plus de 65 ans. C’est moins d’un pensionné sur quatre. Cela s’explique chez ceux qui ont des enfants et ne souhaitent pas modifier la hiérarchie légale entre leurs ayants droit. Mais ceux qui n’ont pas d’héritiers directs sont à peine 32 % à avoir couché sur papier leurs dernières volontés.

Des patrimoines substantiels

Pourtant, le Belge a du patrimoine. A la question :  » Combien pensez-vous laisser derrière vous ? « , 65 % répondent  » plus de 100 000 euros « . Un cinquième des répondants dépasse même les 500 000 euros et un peu moins d’un sur dix le million (lire le tableau en bas de page). Et ils sont encore 21 % à  » ne pas savoir « . L’appartenance linguistique ne joue aucun rôle : les francophones sont aussi bien nantis que les Flamands.

Dans ce total, l’immobilier se taille la part du lion puisque plus de 80 % (77 % côté francophone, 82 % côté flamand) des répondants incluent l’habitation qu’ils occupent dans leur futur héritage. Près de 20 % y ajoutent une (ou plusieurs) seconde résidence et 15 % un immeuble de rapport au moins.

A qui tout cela reviendra-t-il ? Sans surprise, les enfants sont en première ligne, du moins pour ceux qui en ont. Un parent sur 20 (5,2 %) n’entend cependant pas leur léguer son patrimoine. Viennent ensuite les compagnes et compagnons (48,2 %). Les bonnes oeuvres se placent en troisième position (12 %), juste devant la fratrie et les autres membres de la famille (11,9 %). Autrement dit : nos concitoyens respectent l’ordre logique des successions.

Des techniques de transmission peu maîtrisées

Est-ce dû à une certaine méconnaissance des moyens de transmettre leur patrimoine ? Pas vraiment. Le Belge s’estime bien informé. Dix pour cent le sont même  » très bien  » (13 % chez les francophones) et 57 %  » raisonnablement « . Autrement dit, près de 7 personnes sur 10 pensent avoir une vue assez claire des possibilités qui s’offrent à elles pour léguer leurs biens.

A y regarder de plus près, leurs connaissances ne s’étendent guère au-delà des moyens classiques : contrat de mariage, testament, donation et don manuel ou bancaire – et encore sont-elles lacunaires. Il existe bien d’autres techniques pour planifier sa succession, qui sont nettement moins éprouvées. Citons par exemple le saut de génération (65 % n’y connaissent rien) ou le legs en duo (même taux de méconnaissance). L’un permet aux grands-parents de léguer leur héritage à leurs petits-enfants plutôt qu’à leurs enfants, l’autre d’éluder les droits de succession en partageant l’héritage entre le(s) bénéficiaire(s) de son choix et une fondation – qui paiera l’impôt.

Des successions qui s’organisent

On l’a vu, le testament n’est pas un document très usité par les Belges. Cela ne les empêche pas de réfléchir à leur succession. Près de 28 % disent avoir déjà pris des dispositions concrètes pour l’organiser et plus de la moitié (54,4 %) y avoir au moins réfléchi. Quelles dispositions ? Un testament pour les deux tiers de ceux qui ont déjà agi et un (ou plusieurs) don manuel ou bancaire pour le quart d’entre eux. Les autres ont choisi de passer par une fondation (6,9 %) ou ont pris des engagements verbaux (5,9 %). Ceux qui y ont réfléchi comptent peu ou prou utiliser les mêmes instruments.

L’enquête fait également apparaître d’autres dispositions prises ou à prendre, dont deux intéressent plus de la moitié des répondants : le fait d’établir une liste des mots de passe et codes d’identification donnant accès à leur patrimoine (comptes bancaires, coffres, etc.) et celui de donner des directives concernant leurs obsèques.

Des obsèques auxquelles on ne pense pas (trop)

Les funérailles, le Belge connaît : plus des trois quarts de nos répondants ont déjà été impliqués dans l’organisation des obsèques d’un proche. Ils ont donc une vue relativement claire de ce que cela implique en termes d’organisation, de formalités et de coût : 22 % estiment la facture d’un enterrement (hors pierre tombale, concession et réception funéraire) à un montant compris entre 1 000 et 3 000 euros, 35 % à une fourchette de 3 000 à 5 000 euros et 20 % de 5 000 à 7 000 euros, ce qui correspond peu ou prou à la réalité – la moyenne, selon Dela, se situe entre 3 000 et 5 000 euros.

Logique de vouloir prendre de leur vivant des dispositions pour leurs obsèques (lire le graphique ci-dessous). Sauf qu’à peine 15 % l’ont fait concrètement et 24 % ont communiqué leurs souhaits à leurs proches. Les autres ne veulent pas y penser (31,7 %) ou… ont l’intention de le faire un jour (29,5 %). Pourquoi prendre des dispositions ? Pour éviter à leurs proches des tensions (21,3 %), de devoir faire des choix difficiles (53 %), d’avoir des soucis financiers (44,4 %) ou pratiques (44 %), pour être sûrs que tout soit réglé comme ils l’entendent (33,2 %) et garantir leur tranquillité d’esprit (31,4 %).

L’assurance obsèques compte parmi les moyens susceptibles de répondre à toutes ces préoccupations. Très peu de gens y ont pourtant souscrit (7,1 % de notre échantillon). Pour quelle raison ? Un bon tiers (38,2 %) n’y voit aucun intérêt, un second tiers (33,8 %) a mis de l’argent de côté pour ses funérailles et le reste ne s’en préoccupe pas encore ou ne sait pas ce qu’offre cette assurance. Mais tous savent ce qu’ils en attendraient, le cas échéant (lire le tableau en haut de page) : qu’elle couvre l’organisation des obsèques, leur coût, une assistance à la famille et une aide administrative, qu’elle garantisse le respect des souhaits du défunt et le rapatriement de son corps en cas de décès à l’étranger. C’est très précisément tout ce à quoi elle peut effectivement servir.

Par Philippe Berkenbaum

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