Le bébé-éprouvette

Ç a y est ! Mes deux ôéprouvettes » sont à nouveau cachées !  » Louise, 7 ans, et sa s£ur Charline, 4 ans, comme tous les enfants du monde, s’amusent à  » disparaître  » à l’heure du coucher. Elles se font diablesses, mais deux têtes rousses ont surgi de sous les draps.  » Allez, les in vitro, au lit !  » Fruits d’un amour épaulé par la science, voilà deux petites qui n’ignorent rien du miracle de leur naissance. Tout au plus leur a-t-on épargné le récit du parcours de combattants de leurs parents. En 1996, après avoir donné la vie à Julie, l’aînée  » fabriquée naturellement « , Véronique Baré, aujourd’hui 33 ans, et Stéphane Bothy, 40 ans, éprouvent des difficultés à concevoir.  » Rien n’allait ! Fausses couches, trompes bouchées, inséminations artificielles et, pour finir, une grossesse extra-utérine !  » Le couple se tourne vers la procréation médicalement assistée (PMA), dont la Belgique – avec le Royaume-Uni et la France – est assurément l’un des pionniers. Chaque matin, pendant des semaines, Véronique avale les 150 kilomètres qui la séparent de son domicile, près de Ciney, à l’hôpital Erasme, à Bruxelles. Là, dès l’aube, une vingtaine de femmes patientent, sous le regard bienveillant des infirmières, pour des prises de sang ou des injections qui modifieront leurs taux d’hormones. Contrer l’infertilité, c’est l’enfer : un combat sans relâche, long parfois de quinze ans, une existence sous contrainte, faite d’examens médicaux, de bouleversements d’horaires et d’angoisses incessantes. Payant, tout de même :  » On compte 30 % de chances de réussite par tentative, assure le Pr Yvon Englert, chef de service de gynécologie-obstétrique à Erasme. Ce qui est d’une efficacité redoutable par rapport à la nature « , lorsqu’elle se montre récalcitrante.

Comme des milliers d’autres gamines, Louise et Charline appartiennent donc à la première génération des bébés-éprouvette, celle dont l’icône est sans conteste Louise Brown. Quand, le 25 juillet 1978, la petite Britannique voit le jour, une révolution mondiale s’était déjà mise en place. Même si la jeune fille, âgée aujourd’hui de 25 ans, n’est pas le tout premier enfant conçu hors les entrailles d’une femme (à cause d’une grossesse extra-utérine, la croissance d’un autre embryon dut être interrompue un peu avant), sa venue au monde provoque une déflagration. Car la naissance de Louise ouvre un champ de débats éthiques. Très vite, en effet, la stimulation ovarienne, qui permet d’obtenir un grand nombre d’£ufs en un seul prélèvement (afin d’augmenter les chances de grossesse), conduit à l’apparition d’embryons surnuméraires, et donc aux dons d’ovocytes. Pour la première fois dans l’histoire, des femmes sans ovaires peuvent rêver de devenir mères… Les progrès techniques s’enchaînent ensuite rapidement : congélation des embryons, ponction des ovules par échographie vaginale (au lieu d’une aspiration à hauteur du nombril, sous anesthésie générale) et, surtout, injection intra-ovocytaire d’un spermatozoïde. Ce procédé, appelé ICSI et mis au point, en 1991, par une équipe de la VUB, bouleverse d’ailleurs encore le traitement de la stérilité masculine.

Combien sont-ils, désormais, les enfants-éprouvette ? Près d’un million dans le monde. Chez nous : environ 25 000. Les premiers bébés belges,  » produits  » d’abord à la KUL puis à l’hôpital Saint-Pierre (ULB),  » datent  » de 1983 :  » Depuis une décennie, le rythme de croisière oscille autour des 2 000 naissances par an « , estime le Pr Yvon Englert.

Secteur d’activité en croissance constante, la PMA poursuit, à présent, de nouveaux objectifs : privilégier le transfert d’un embryon unique, pour limiter les grossesses multiples, toujours à risques ; prendre en charge les femmes atteintes de maladies virales ; et mieux tenir compte de la souffrance liée à la stérilité : une étude de la KUL a montré que le niveau de stress des couples engagés dans l’aventure égalait celui des patients cancéreux…

Valérie Colin

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