La vie de château en musique

Une carte blanche à Frank Braley autour du cinéma à Beloeil, une confrontation entre Beethoven et Janácek à Lavaux-Sainte-Anne, la Symphonie Le Nouveau Monde de Dvorák en version piano à Braine-le-Château et la fougue de l’Ensemble à vent de La Monnaie à Boussu-en-Fagne. Autant de bonnes raisons pour emprunter la  » route des châteaux  » cet été.

7e art à l’honneur aux Musicales de Beloeil

Résidence des princes de Ligne depuis le XIVe siècle, le château de Beloeil est implanté au milieu de ses douves en terre du Hainaut. Bien qu’étant l’un des plus imposants châteaux belges, il séduit toujours par sa silhouette équilibrée, admirablement entretenue. Le parc, monumental, se déploie sur 25 hectares et est un véritable havre de paix avec ses arbres centenaires et ses pelouses soigneusement peignées, agrémentées d’étangs et de bassins. Ouvert vers le monde, le château de Beloeil a toujours privilégié les échanges avec l’extérieur. C’est sans doute l’un des tout premiers châteaux qui a ouvert, en 1947, ses portes au public.

En 1989, Antoine de Ligne a inauguré les premiers concerts-promenades, la Nocturne de Beloeil, rebaptisée plus tard les Musicales de Beloeil. Cette manifestation, dont le succès est incontestable, en est aujourd’hui à sa 27e édition. La nouveauté 2015 ? La fusion des Musicales de Beloeil avec La Nuit Musicale de Seneffe.  » Depuis quatre ans, on avait deux manifestations dans la même région qui ciblaient le même public, explique Bernard de Launoit, directeur artistique des Musicales de Beloeil. Cette concurrence effrénée n’était pas saine. Nous avons préféré une mutualisation des efforts plutôt qu’une dispersion. Cette fusion fait des Musicales de Beloeil le plus grand festival de musique classique du pays. Nous visons le plus bel événement possible.  »

Bonne idée pour cette édition : une journée entièrement construite autour de grands airs de la musique classique. Les amateurs de  » tubes  » seront gâtés. L’Orchestre national de Belgique sous la baguette de Dirk Brossé exaltera les superbes foisonnements mélodiques de Mozart, Brahms, Mendelssohn et Gluck. Quant à Frank Braley il nous invite à feuilleter avec lui l’album des plus grandes pages de la musique classique qui ont servi le cinéma. Lauréat du Concours Reine Elisabeth en 1991, le pianiste français dirige aussi, depuis janvier 2014, l’Orchestre royal de chambre de Wallonie.  » A Beloeil, je jouerai aussi du piano, les gens m’y attendent, détaille-t-il. Cela dit, d’après les échos, je suis aussi crédible en dirigeant l’ORCW. Les gens sont surpris en bien et comprennent ma gestique. Le programme L’ORCW fait son cinéma ! que nous présenterons à Beloeil est un voyage dans la musique classique variée. Il crée des passerelles entre les pièces anciennes, classiques et modernes et montre que les frontières sont poreuses. L’Orchestre a participé au Festival international du film d’amour de Mons ce qui nous a permis de mettre au point l’embryon du programme et nous aurons l’opportunité de l’étoffer à Beloeil. Ce sera comme un dîner où l’on enchaîne des plats de différentes saveurs, des plats d’une douceur exquise suivis de plats plus toniques qui réveillent les papilles. On va jouer des contrastes avec La Valse de Chostakovitch qu’on entend dans le générique de Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, La Sarabande de Haendel, que Barry Lyndon du même Kubrick a rendu célèbre, le Quatuor La jeune fille et la mort de Schubert immortalisé par Polanski dans le film éponyme ou encore l’Adagietto de la Cinquième Symphonie de Mahler qui a contribué au succès de La mort à Venise de Visconti. Ce programme sera une démonstration que la musique est partout et qu’elle touche le grand public sans parfois qu’il s’en rend compte. On veut montrer que Vivaldi et Bach peuvent être aussi enthousiasmants et électriques que la musique pop !  » Au menu des Musicales de Beloeil il y aura également du jazz, deux superbes jeunes cantatrices (Julie Mossay et Sarah Laulan) et beaucoup de cirque. Prometteur !

Samedi 5 septembre, de 12 à 22 heures. www.lesmusicalesdebeloeil.be

Quatuor à cordes à Lavaux-Sainte-Anne

Près de Rochefort, au bord de la Wimbre, la silhouette imposante et pourtant gracieuse du château de Lavaux-Sainte-Anne se reflète dans l’eau des douves. Son histoire remonte au XVe siècle. Une chaussée romaine toute proche, fréquentée par guerriers et pillards, constitue un danger permanent. Le seigneur de Lavaux construit donc une forteresse, capable de défendre ses biens et de protéger ses habitants. Simple et robuste, inspirée des châteaux forts allemands et français, Lavaux est une forteresse typique du Moyen Age, aux tours trapues de pierre reliées par des courtines (murs joignant les flancs de deux bastions) et flanquée d’un donjon puissant. Au XVIIe siècle la paix s’installe et le rôle défensif de Lavaux devient obsolète. Son nouveau propriétaire, le baron Jacques Reynard de Rouveroy, le relooke au goût du jour, dans le style Renaissance tardive. On surélève les tours, on supprime une courtine, on allège les autres en y perçant des fenêtres et on souligne la tour d’honneur d’élégantes arcades. Les successeurs du baron de Rouveroy préfèrent, hélas, séjourner dans d’autres propriétés familiales. Délaissé, Lavaux périclite et ne sera ressuscité qu’en 1934, grâce à la Ligue des amis du Château. Petit à petit, la belle bâtisse retrouve sa fière allure d’antan. Aujourd’hui, on peut de nouveau visiter ce fleuron du patrimoine wallon des caves au donjon, suivre le parcours ludique et didactique en observant la faune et la flore de la Famenne, déambuler dans le jardin à la française…

La musique y est à l’honneur depuis une dizaine d’années. Dans le cadre du Festival de l’été mosan, un magnifique concert a lieu dans la cour du château (ou à l’intérieur en cas de mauvais temps). Cet été, le Quatuor Hermès y fait halte avec un copieux programme. L’un des ensembles les plus accomplis de sa génération, il a été fondé par quatre jeunes musiciens issus du Conservatoire de Lyon. A l’instar d’Hermès, dieu de la mythologie grecque et messager des dieux auprès des humains, ils se veulent  » des messagers des compositeurs auprès du public « . Le Quatuor Hermès joue toutes les musiques : du Haydn, bien sûr, le compositeur qui a été le premier à créer un répertoire pour le quatuor à cordes, mais aussi du Philippe Hersant et Thierry Escaich, compositeurs d’aujourd’hui. Une seule exigence : jouer avec coeur et émotion et raconter un maximum d’histoires.

A Lavaux-Sainte-Anne, on n’entendra pas du Haydn, mais un programme éclectique, composé d’oeuvres de Beethoven, d’Anton Webern et de Janácek.  » Chaque année, on tente de composer un programme le plus équilibré, et on essaie de le jouer un maximum de fois pour arriver à une interprétation la plus parfaite possible, explique le violoniste Omer Bouchez. Beethoven est un compositeur de référence pour un quatuor. Nous avons opté pour le Quatuor Razoumovsky particulièrement virtuose, notamment pour le violoncelle, car Beethoven l’a écrit pour le prince Razoumovsky, féru de violoncelle. Webern, c’est de la musique minimaliste, cinq pièces très courtes où alternent des nuances très douces et extrêmement fortes. L’essentiel de la musique de Webern condensé en quinze minutes, en somme. Enfin, les Lettres intimes, c’est la dernière pièce composée par Janácek. Toute sa vie, le compositeur tchèque a été très amoureux d’une jeune femme mariée, de quarante ans sa cadette. C’était une relation épistolaire. Cette oeuvre déborde de passion voire d’érotisme, elle est très sensuelle. Ce sont des lettres d’amour enflammées.  »

Mercredi 12 août, à 20 heures. www.etemosan.be

Quintette à vent à Boussu-en-Fagne

Blotti au fond de la vallée de l’Eau Blanche, à un jet de pierre de Couvin, le château de Boussu offre au regard du visiteur son imposante mais bien équilibrée silhouette habillée de moellons de calcaire et sortie tout droit du fin fond du Moyen Age. Au XIXe siècle, il a été partiellement transformé en style néo-classique. Aujourd’hui, la famille de Villermont veille avec attention sur ce patrimoine d’une grande valeur historique et esthétique et l’ouvre à des manifestations culturelles, notamment des concerts de musique. Toujours dans le cadre du Festival de l’Eté mosan, ce bel écrin accueille l’Ensemble à vent de La Monnaie. Si l’on connaît l’orchestre de La Monnaie, on sait moins que plusieurs formations de musique de chambre (très pointues) se sont constituées en son sein. Comme cet Ensemble de cinq solistes (flûte, hautbois, clarinette, cor et basson) qui souhaite explorer d’une manière plus intense le répertoire spécifique des quintettes à vent. Une équipe de choc réunie autour de Dirk Noyen, se frottera, notamment, aux Divertimenti de Joseph Haydn et de Mozart, à LaCheminée du roi René de Darius Milhaud. Cette oeuvre qui a pour cadre la cour du roi René d’Anjou au XVe siècle, conte une belle histoire d’amour en sept mouvements. C’est l’une des pièces de musique de chambre les plus populaires du XXe siècle.

Samedi 15 août, à 17 heures. www.etemosan.be

Piano à quatre mains à Braine-le-Château

Erigée au début du XIIIe siècle par les seigneurs de Trazegnies, la forteresse médiévale s’est transformée en château de plaisance à la Renaissance. Ses propriétaires successifs, les comtes de Hornes, les princes de Tour et Taxis et les comtes de Robiano, ont entretenu avec beaucoup de soin ce patrimoine exceptionnel. Sa cour d’honneur se prête admirablement à l’organisation de concerts de musique classique. Sa 15e édition nous permet de faire plus ample connaissance avec le Duo Solot, duo sur scène et dans la vie. La Namuroise Stéphanie Salmin et le Bruxellois Pierre Solot sont des pianistes non seulement éblouissants mais aussi très touchants. Leur spécialité ? L’étude des grandes transcriptions d’oeuvres symphoniques pour piano à quatre mains.  » Les transcriptions étaient typiques au XIXe siècle. Il y avait peu de salles de concerts et elles étaient destinées aux salons pour rendre la musique accessible à tous. Aujourd’hui, ce concept ne se justifie plus. D’ailleurs, ces partitions ne sont plus éditées et il faut faire beaucoup de recherches pour les trouver. Nous nous sommes spécialisés dans ce créneau par plaisir très égoïste. C’est une autre façon d’écouter de la musique symphonique, lui donner une autre vie, de la fraîcheur.  » La programmation est belle : les transcriptions de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorák et de l’ouverture de Guillaume Tell de Rossini, la Fantaisie en fa mineur de Schubert,  » la plus belle oeuvre pour piano  » selon Pierre Solot, et les Danses hongroises de Brahms. Si vous n’avez encore jamais entendu ce duo, précipitez-vous à ce concert !

Vendredi 21 août, à 20 h 30. Tél. : 02 366 93 49.

Par Barbara Witkowska

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