La véritable cause de la famine

Certains pointent le chaos politique. Pour Yves Van Loo, responsable de la Croix-Rouge dans la région, c’est la déstructuration de l’agriculture qui est en cause.

Il y a vingt ans, l’agriculture somalienne était autosuffisante. Aujourd’hui, elle ne subvient qu’à 50 ou 60 % des besoins de la population « , assène le Belge Yves Van Loo, le porte-parole de la Croix-Rouge à Nairobi (Kenya), en charge de la situation humanitaire dans la Corne de l’Afrique. Alors que l’aide internationale collectée après les appels au secours de la mi-juillet face à l’aggravation de la malnutrition commence à parvenir aux victimes, la Croix-Rouge, qui n’a jamais cessé d’être présente en Somalie, tire les premiers enseignements de cette crise alimentaire.

Douze millions de personnes sont menacées de famine dans la Corne de l’Afrique, selon les chiffres d’Augustine Mahiga, représentant spécial de l’ONU, dont 3,7 millions dans la seule Somalie, soit plus du tiers de la population. En 1991, une grave famine avait déjà frappé le pays. Alors, l’Histoire ne cesse-t-elle de se répéter de Mogadiscio à Kismayo ? Yves Van Loo nuance :  » La famine de 1991 résultait directement de la chute du régime de Siad Barre et de l’instabilité politique qui s’en est suivie. Aujourd’hui, la conjoncture est plus complexe « . Pour expliquer l’urgence alimentaire actuelle, le porte-parole de la Croix-Rouge invoque avant tout  » la lente déstructuration de l’agriculture somalienne « . Auparavant, explique-t-il en substance, elle était fondée sur de grandes exploitations et la culture d’un nombre restreint de variétés. Le paysan somalien arrivait à engranger des récoltes qui le prémunissaient des ravages des périodes climatiques moins favorables. Car, si paradoxale que cela puisse paraître, la Somalie ne manque pas d’eau : deux fleuves, le Jubba et le Chébéli, la traversent, et la nappe phréatique y est aisément accessible, raison pour laquelle la Croix-Rouge y développe la construction de puits. Aujourd’hui, cependant, le paysan est devenu vulnérable. La taille des exploitations s’est réduite et les investissements en matériel n’ont plus suivi. En cause, cette constante depuis quasi vingt ans : l’insécurité, quand ce n’est pas la guerre ouverte.

Cependant, au-delà du contexte général déjà défavorable, l’impact de la sécheresse actuelle était annoncé depuis plusieurs mois. Le déficit de pluviosité lors de la saison des pluies de l’automne 2010 l’annonçait. Mais ses conséquences n’ont atteint une cote d’alerte qu’en juin : de 3 000 en mars, les statistiques d’enfants victimes de malnutrition sévère ont grimpé jusqu’à 5 500 trois mois plus tard. Une deuxième saison des pluies gâchée (mi-avril/mi-juillet) explique la dégradation qui a poussé des dizaines de milliers de Somaliens à gagner les camps de réfugiés du Kenya ou d’Ethiopie. Au vu de ces prévisions, l’assistance internationale n’aurait-elle pas pu être déployée plus tôt ? Yves Van Loo s’en défend, avançant une distribution, dès le 23 juillet par la Croix-Rouge, de 3 000 tonnes de nourriture à 162 000 personnes dans toutes les zones touchées, y compris donc dans le sud de la Somalie, sous le contrôle des combattants islamistes shebab (moyennant des discussions que la Croix-Rouge, neutre, peut plus aisément faire aboutir). Il n’empêche, la mobilisation internationale a connu quelques ratés au départ. Aussi le Conseil de sécurité de l’ONU a-t-il dû, le 15 août, renouveler son appel d’urgence à des fonds (estimés à 2,4 milliards de dollars) pour venir en aide aux victimes de la famine.

Croix-Rouge de Belgique : 000-0000016-16. La CR organise aussi une action SMS (1 euro par SMS en envoyant  » croix rouge  » au 4666). Consortium 12-12 : 000-0000012-12.

G.P.

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