Tous les touristes passent par là. Mais connaît-on vraiment la statue ‘t Serclaes, dans l’ombre de Hôtel de Ville de Bruxelles ?
Sans les masses de touristes se bousculant devant elles chaque jour, il y a de ces statues dont on oublierait presque qu’elles existent… Elles ne se distinguent pas spécialement par leurs qualités plastiques et sont pourtant considérées comme des £uvres qu’il ne faut manquer sous aucun prétexte ! Bien souvent, leurs visiteurs précipités en connaissent à peine l’origine. Parmi les exemples les plus frappants, le cas du ‘t Serclaes de Julien Dillens (Anvers, 1849 – Saint-Gilles, 1904).
Rivalisant sans problème avec le célébrissime Manneken-Pis, ce monument attire immanquablement touristes et Bruxellois qui, sans trop comprendre pourquoi, passent leurs mains sur le bras, le genou et enfin la tête du chien d’Everard ‘t Serclaes. Il ne se passe pas une minute sans qu’une main glisse le long de son corps. » Cela vous portera bonheur ! » vous répondra-t-on si vous posez la question. Mais n’en demandez pas plus sur cet illustre personnage, peu le connaissent réellement.
Sauvant courageusement la ville des Louvanistes et des Flamands en 1356, ‘t Serclaes reçut le titre de chevalier et devint conseiller de la duchesse de Brabant. Un litige quant au sort de Bruxelles opposa cette dernière au comte de Gaesbeek qui, profondément humilié, envoya quelques tueurs à gages agresser Everard ‘t Serclaes. Victime d’horribles tortures, il fut transporté pied droit coupé et langue arrachée à la Maison de l’Etoile (à laquelle est adossé son mémorial). Il y agonisa pendant cinq longues journées durant lesquelles une foule nombreuse lui rendit hommage. Quant aux Bruxellois, ils furent à tel point enragés qu’ils incendièrent le château du comte de Gaesbeek.
En 1898, le bourgmestre Charles Buls rend hommage au héros en chargeant le sculpteur Julien Dillens de la réalisation de ce monument commémoratif. Le culte populaire lié au ‘t Serclaes trouve son origine pendant la Première Guerre mondiale. Alors que les soldats allemands interdisaient les manifestations patriotiques, les Bruxellois prirent l’habitude d’aller se recueillir devant l’image du héros et des paroles sacrées qui allaient droit au c£ur des Belges : patrie, liberté, fidélité. Avant de partir, chacun caressait de sa main le bronze, en signe de respect. Ce geste se transforma progressivement en un attouchement qui permettait de s’attirer les bonnes grâces d’Everard ‘t Serclaes et d’avoir, en prime, de la chance. D’autres sont persuadés que les jeunes filles effleurant le bras du gisant trouveront un mari dans l’année. A chacun(e) ses attentes !
Les frotte-manches du monde entier se sont tellement empressés pour le caresser qu’ils en sont parvenus à percer le métal de l’avant-bras. La restauration devait être effectuée en urgence : le bronze était fissuré à tel point que certains visiteurs trop fervents parvenaient à y glisser des pièces de monnaie en offrande ! Victime de sa réputation de porte-bonheur, le gisant a donc subi quelques travaux de réparation.
La tête du chien, triste mais fidèle aux pieds de son maître, n’est pas en reste quand il s’agit de recevoir des caresses… La tête d’ange au milieu de la composition, non plus. A croire que les touristes ne savent plus quoi toucher pour avoir de la chance !
Monument Everard ‘t Serclaes, croisement rue Charles Buls/Grand-Place, à Bruxelles.
La semaine prochaine : Le SInge du Grand’Garde
GWENNAËLLE GRIBAUMONT
Le vénérable chevalier préserva Bruxelles des Louvanistes