La pieuvre italienne

La Belgique est un  » paradis mafieux  » pour les criminels italiens. Pour la police, les priorités sont ailleurs !

Il y a un paradoxe italien. La Mafia, qui a engendré la notion de  » criminalité organisée « , n’est plus étudiée ni combattue spécifiquement en Belgique. Il ne reste d’ailleurs qu’un seul policier pour animer le  » desk anti-mafias  » de la police fédérale à Bruxelles. Pourtant, depuis la fin des années 1990, l’augmentation du nombre de suspects a été significative dans les arrondissements de Mons, Charleroi et Tongres. La N’drangheta calabraise, qui a pris le dessus sur la Cosa Nostra sicilienne, contrôle le trafic des stupéfiants.  » A la fin 2003, rappelle le commissaire Jean-Luc Lottefier, membre de la police judiciaire fédérale de Liège, une opération conjointe des polices italienne, française et belge a démantelé une bande calabraise de trafiquants de drogue, dont plusieurs Liégeois. La fusillade qui a éclaté le 4 novembre 2003, à Rosarno, dans la région de Calabre, était le fait de personnes qui se disputaient le produit d’une vente de cocaïne pour une valeur de 600 000 euros. Les auteurs ont été condamnés à seize ans de prison en Italie et ceux qui relevaient de la justice belge, à quatre ans de prison.  » Par ailleurs, un important procès de blanchiment d’argent, via des agents de change (20 millions d’euros en deux ans), est en cours devant le tribunal correctionnel de Tongres.

Entre 1999 et 2001, Jean-Luc Lottefier, avec un autre policier belge, a recueilli le témoignage de mafieux siciliens repentis. Il a fait part de cette expérience lors d’un colloque scientifique organisé sous l’égide de l’Otan, à Sofia, en Bulgarie, du 13 au 16 novembre.  » Tous les clans avaient des intérêts ou une présence en Belgique. Des ordres partaient même de notre pays. De fait, il existe toujours un triangle  » magique  » Italie-Allemagne- Belgique « , confirme le policier.

Claude Bottamedi, actuellement chef de corps de la police locale de Gembloux, a été le spécialiste anti-mafia de la Brigade nationale de la défunte PJ (police judiciaire près les parquets).  » Avant la réforme des services de police, explique-t-il, il y avait un accord entre la direction anti-Mafia italienne et la police belge pour travailler étroitement sur ce dossier. Mais la criminalité organisée a été reléguée au second plan après les attentats du 11-Septembre. Or, à la fin des années 1990, les services de police italiens attestent la présence de mafieux italiens en Belgique. Nous-même constatons que des suspects d’origine italienne, non fichés en Italie, dégagent un parfum de Mafia. Plusieurs parrains en fuite – pour cause de guerre entre clans – sont signalés sur notre territoire. Au début des années 1990, un trafic international de cocaïne est démantelé à Charleroi. Les organisateurs n’étaient pas connus en Italie, mais ils travaillaient avec des membres avérés de la Mafia en Sicile. Egalement à cette époque, plusieurs dossiers montrent que divers clans achètent des armes en Belgique. L’organisation criminelle gagne également des fortunes dans le trafic de cigarettes. Des cerveaux préparent des coups, les font exécuter ici par des truands venus d’Italie et les réexpédient aussitôt chez eux.  » Conclusion : la célèbre omertà ne trompe personne. Encore faut-il s’appliquer à la briser. l

M.-C.R.

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