La  » midinette  » d’Argenteuil

Dans son autobiographie, Marie-Christine de Belgique, fille de Léopold III et de Lilian de Réthy, crache dans la soupe. Les princesses ne sont plus ce qu’elles étaient

La Brisure, par Marie-Christine de Belgique, Luc Pire, 167 pages.

L a Brisure (1) est un livre à vous dégoûter d’être princesse. Marie-Christine a-t-elle le complexe de l' » enfant sandwich  » ? Celle que ses proches surnommaient Daphné a vu le jour le 6 février 1951, l’année de l’abdication de Léopold III, après Alexandre et avant Esmeralda, nés de l’union du souverain avec Lilian Baels. Elle est aussi la demi-s£ur des rois Baudouin, Albert II et de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte, enfants de la reine Astrid.

Marie-Christine garde un souvenir enchanté des neuf années passées à Laeken, avec son parc peuplé d’animaux, ses étangs, ses deux piscines… Revers de la médaille : c’est une enfance solitaire, sans parents ni frères et s£urs. Chacun vit dans une aile du château. Les seuls compagnons de jeu sont des gendarmes et des nurses anglaises, suisses, françaises ou belges qui défilent. Une princesse ne doit pas s’attacher.

Le déménagement à Argenteuil signe la rupture avec les enfants d’Astrid. L’atmosphère y est lourde de silences et de non-dits. Léopold III est un père secret, effacé et malheureux, qui s’amuse néanmoins en des concours de rots, fuyant dans la préparation d’expéditions la tyrannie d’une épouse qui fait supporter à son entourage, l’amertume de ne pas avoir été reine.

Après les précepteurs privés, la scolarité de Marie-Christine passe par des pensionnats chics à Bruges, au pied du mont Blanc ou à Paris. Mais cette nulle en mathématiques déçoit un père qui se divertit en faisant de l’algèbre, tout comme une mère qui la déclare inintéressante et même déséquilibrée.

La véritable brisure remonte toutefois aux 18 ans de Marie-Christine. Un soir de bal, elle est violée par un cousin. Loin de prendre sa défense, sa mère la punit et l’enferme deux mois durant dans une chambre. A partir de là, Marie-Christine multiplie les virées en boîte fortement arrosées, les drogues douces et, surtout, les flirts. Les corrections et les filatures orchestrées par Lilian n’y changent rien.

En 1980, la scandaleuse est exilée à Toronto (Canada) chez des amis de la famille. Mariage inopiné avec le tenancier d’un restaurant-piano-bar pour homosexuels, pour échapper à un retour forcé en Belgique. C’est l’époque de la descente en enfer. Marie-Christine fuit son mari, loge chez n’importe qui, enchaîne les petits boulots, échappe de peu à la prostitution, se retrouve mannequin s’exhibant notamment en maillot dans un bar à cow-boys.

Alerté, le roi Baudouin aide financièrement sa demi-s£ur. Il paie son divorce. Mais pas l’avortement, se défend Marie-Christine, qui trouve un certain équilibre auprès d’un serveur de restaurant, subvenant tant bien que mal à ses besoins, avant d’accueillir à bras ouverts l’héritage de Léopold III. Mais la banque fait de mauvais placements. Marie-Christine est à nouveau dans la gêne. Celle qui dénonce l’archaïsme des monarchies européennes n’a jamais hésité à user de son titre d’Altesse royale pour loger gratis à l’ambassade de Belgique à Paris ou pour rencontrer l’une ou l’autre vedette dont, midinette, elle est groupie. Elle n’éprouve donc aucun scrupule à vendre son histoire à la chaîne commerciale flamande VTM. Elle est prête à récidiver pour le magazine allemand Stern. Mais Albert II intime l’ordre à Lilian d’assurer une allocation mensuelle à sa fille. Pour la faire taire.

Au décès de sa mère, en 2002, Marie-Christine ne cache pas son soulagement. Elle retrouve fortune et liberté d’expression. Ses confessions promettent d’être un best-seller. Au Palais, on grince à nouveau des dents.

Dorothée Klein

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