La légende de Boch Keramis

Barbara Witkowska Journaliste

A l’heure où se joue l’avenir de la manufacture, le Musée royal de Mariemont propose une mise en valeur de la richesse de ses créations au travers d’une centaine de pièces, dont la plupart n’ont jamais été montrées au public.

L’exposition baptisée Collection Boch. Le souffle de Prométhée n’est en quelque sorte qu’une  » mise en bouche  » des collections qui seront présentées en permanence au sein de Keramis, Centre de la céramique de la Communauté française, dont l’ouverture est annoncée pour 2015. La scénographie, limpide et très agréable, commence par un bref rappel historique.  » La plupart des archives ont été détruites en 1985, lors de la faillite de l’entreprise. Elles sont en train de reconstitution « , note Ludovic Recchia, l’un des commissaires de l’exposition. Quelques photos et une carte explicite replacent la création de la manufacture dans le contexte de l’époque. En 1839, une partie du Luxembourg se sépare définitivement de la Belgique pour vivre sa propre vie sous l’appellation de grand-duché de Luxembourg. Deux ans plus tard, la florissante faïencerie Villeroy et Boch, pour ne pas perdre le juteux marché belge, décide d’y implanter une antenne. Le choix se porte sur le site  » vierge  » et bucolique de la commune Saint-Vaast. Baptisé Keramis, il contribuera, avec l’entreprise sidérurgique Boël, à la création de toutes pièces de la ville de La Louvière.

La partie centrale de l’exposition fait un gros plan passionnant sur la période située entre 1870 et 1900, d’une richesse et d’une diversité incomparables. C’est l’époque où l’histoire de l’art se construit, les artistes découvrent le passé. Boch Keramis fait venir de nombreux peintres hollandais de Delft et de Maastricht, maîtrisant parfaitement la peinture sur faïence, et intègre ce savoir-faire dans sa production. D’autres  » emprunts « , fort réussis, caractérisent l’époque : les imitations des majoliques italiennes de la Renaissance et de la faïencerie de Rouen, des inspirations ottomanes ou perses, des copies de Tournai ou encore des décors de la porcelaine chinoise. Au carrefour des xixe et xxe siècles, Boch Keramis adopte avec succès le style sensuel de l’Art nouveau grâce au concours des artistes Isidore De Ruddere et Georges De Geetere. En 1906, Charles Catteau arrive à La Louvière. Français, né de père belge à Sèvres, Catteau est un excellent technicien et coloriste. Visionnaire, il pressent avec justesse l’engouement pour l’Art déco et met en route une vaste production d’objets décoratifs aux motifs formels, graphiques ou  » africains « . Parmi les pièces fortes plus tardives, épinglons la spectaculaire céramique murale Le Feu, £uvre de Raymond-Henri Chevallier, des plats et panneaux muraux d’Ernest d’Hossche, dernier responsable de l’atelier d’art de l’entreprise (entre 1950 et 1970) et, pour finir, quelques pièces expérimentales des artistes et designers d’aujourd’hui comme Olivier Strebelle, Charles Kaisin et Christophe Coppens.

L’exposition se clôt sur l’évocation (croquis en 3D) du futur Centre de la céramique. Les architectes Coton, De Visscher, Le Lion, Nottebaert et Vincentelli ont imaginé une construction discrète et contemporaine, conçue autour des trois fours bouteilles en briques sur le site de Keramis, classés en 2003, derniers témoins de ce type de cuisson industrielle en Belgique.

Collection Boch. Le souffle de Prométhée, Musée royal de Mariemont, jusqu’au 13 février 2011. Ouvert tous les jours, sauf les lundis non fériés de 10 à 17 heures. Fermé le 25 décembre et le 1er janvier.

www.musee-mariemont.be

BARBARA WITKOWSKA

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