La  » kotmania  » montoise

Les loyers des kots étudiants de la cité du Doudou s’alignent sur ceux de la capitale, pour des prix de vente bien inférieurs. De quoi attirer les investisseurs de tous bords.

Le marché locatif tourne extrêmement bien à Mons. Et pour cause, il bénéficie depuis belle lurette de deux moteurs de taille : la présence du Shape, le centre européen de commandement militaire des forces de l’Otan, et celle de l’université montoise, l’UMons, ainsi que de diverses hautes écoles. Le premier booste le segment des appartements 2-chambres, des maisons et des villas comptant jusqu’à quatre ou cinq chambres ; les secondes, celui des kots, studios et autres petits logements pour étudiants.  » Dès les mois de mai et juin, c’est l’embouteillage au sein de notre agence, assure Alain Duponcelle, gérant de Trevi Mons Hainaut. Les candidats locataires affluent, à tel point que nous avons un stagiaire qui ne s’occupe que de cela pendant tout l’été.  »

Si les besoins des travailleurs du Shape sont largement rencontrés par une fièvre constructrice ayant gagné nombre de promoteurs au sein de la cité montoise depuis quelques années, ceux des étudiants font les choux gras de tout autant de petits investisseurs, semi-professionnels ou simples particuliers. Lesquels ciblent non pas les terrains constructibles, qui commencent à manquer, mais les grandes bâtisses du centre-ville et des boulevards montois, qu’ils divisent en plusieurs kots.  » Jusqu’en 2007-2009, tout se louait un peu n’importe comment, retrace Laurent Bierlaire, responsable de l’agence Century 21 Bierlaire. Beaucoup de propriétaires avaient flairé le bon filon, mettant sur le marché de véritables ruines qui accueillaient 25, parfois 30 chambres de même pas 15 m2, sans respect aucun des normes. On pouvait presque parler de marchands de sommeil, dans certains cas.  »  » C’était devenu catastrophique, renchérit Aldo Zambito, patron de l’agence Alpimmo. Tous s’employaient à mettre des m2 dans tous les coins, pour augmenter le nombre de biens à offrir en location.  »

Permis d’urbanisme et de location

Une frénésie malsaine à laquelle la Ville de Mons a décidé, depuis, de mettre fin.  » C’est une chasse aux sorcières positive, souligne Laurent Bierlaire. La cellule  » Logement  » des services urbanistiques communaux est désormais à l’affût de la moindre entorse au règlement. Et quand elle a un immeuble en ligne de mire, elle ne le lâche pas tant qu’il n’est pas régularisé.  » Deux infractions sont activement traquées : la division sauvage du bien, réalisée sans demande et, surtout, sans délivrance d’un permis d’urbanisme, et l’absence d’un permis de location. Depuis 1998, en effet, la Région wallonne impose un feu vert aux propriétaires de logements collectifs et de logements individuels de moins de 28 m2, afin d’assurer le respect de  » critères minimaux de qualité  » : salubrité, superficie habitable, nombre de pièces, normes incendie… Un outil qui a plus de 15 ans donc, mais dont les autorités montoises semblent s’être souvenues seulement récemment, pour en faire usage avec diligence. Assainissement du parc immobilier montois à la clé.

Les progrès en la matière sont d’autant plus nécessaires que la valeur locative des biens est, elle, allée crescendo.  » De manière générale, le rapport qualité – prix est très mauvais sur le marché du logement étudiant à Mons, assène la directrice des affaires étudiantes de l’UMons, Joëlle Tilmant. Les kots sont très chers et pas toujours corrects. Il y en a bien sûr qui sont loués à un prix raisonnable, mais sans doute pas assez.  » Et d’opposer les biens dont elle a, entre autres compétences, la gestion.  » Nous offrons 660 chambres à nos étudiants, réunies au sein de 7 cités étudiantes de 14 à 140 chambres que nous sous-louons ou possédons en propre selon les cas. Ces chambres sont pour la plupart individuelles et munies de sanitaires privés, le tout pour un loyer mensuel de 260 euros en moyenne (170 à 350 euros selon les types de bien, des chambres doubles aux studios).  » Soit des tarifs inférieurs à ceux pratiqués sur le marché privé : de l’ordre de 300 à 425 euros par mois selon les courtiers interrogés.  » Un peu plus si les prestations sont au top, glisse Laurent Bierlaire, mais sans dépasser 500 euros, loyer pour lequel on peut déjà s’offrir un petit appartement 1-chambre en ville.  »

Pas de vide locatif !

Des prix qui rappellent ceux… de Bruxelles ! Et ce, pour des valeurs à l’achat  » moitié moins élevées qu’à la capitale « , insiste Aldo Zambito, arguant qu’il est possible de dégoter des immeubles de rapport pour une mise de départ de 160 000 euros et jusqu’à 400 000 euros hors frais. Les tarifs fluctuent, sans surprise, en fonction de la situation et du bon état général du bâtiment bien sûr, mais, surtout, et de plus en plus, de son niveau de conformité aux normes urbanistiques et locatives. Est-ce à dire que les immeubles qui s’y soustraient sont recalés ?  » Non, mais ils resteront plus longtemps sur le marché et leur prix sera discuté, nuance Laurent Bierlaire. Les biens de rapport forment un segment extrêmement demandé, au sein duquel il faut toutefois avancer prudemment. Il y a de bonnes affaires à faire, mais les investisseurs ne doivent pas prendre les infractions à la légère.  »

Reste que le rendement escompté a de quoi faire tourner les têtes des candidats à l’investissement : 5 à 6 % d’après Aldo Zambito, 7 à 9 %  » sans problème  » pour son confrère Alain Duponcelle. Avec ceci que le vide locatif serait une notion inconnue en terres montoises…  » Tout ce qui peut être assimilé à un kot se loue « , promet le gérant de l’agence Trevi Mons Hainaut, précisant qu’une fois l’été passé,  » les retardataires peinent à trouver « .  » On ne met même pas d’annonces, on a une liste d’attente « , ajoute-t-il. C’est qu’une autre frange de locataires se greffe par ailleurs à la demande, renforçant ses rangs toujours plus serrés : les personnes isolées ou disposant de revenus modestes.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que les  » bons pères de famille  » s’aventurent en masse sur le marché montois.  » Beaucoup ont un ou deux enfants qui démarrent un cycle d’études à Mons et préfèrent, plutôt que payer 700 à 800 euros de loyer par mois, se lancer dans un projet immobilier, observe Laurent Bierlaire. Une partie de l’immeuble acquis sera réservée à leurs enfants, l’autre mise en location.  » Ces investisseurs sont majoritairement hennuyers, tandis que les courtiers épinglent quelques Bruxellois et candidats issus d’autres horizons.  » Un kot est un bien pour lequel on doit prévoir une gestion locative plus importante que dans le cas d’un appartement standard, met en garde Aldo Zambito. Il faut se montrer présent et intervenir rapidement en cas de problème. Du coup, les investisseurs qui viennent de plus loin ont tendance à être semi- professionnels.  »

Voire tout à fait professionnels, puisque l’oeil des promoteurs a fini par se balader de ce côté du marché locatif. Des locaux, comme Delzelle Résidentiels, basé à Tubize, qui s’est lancé, dès 2008, dans la construction de six résidences  » Campus  » offrant des studios, entre autres biens. Une flotte qu’il compte compléter par 101 kots élevés en trois bâtiments le long de la chaussée du Roeulx ; la demande de permis a été déposée en janvier 2015. Mais aussi des nouveaux venus, à l’image du gantois Upgrade Estate, qui a introduit une demande de permis pour un projet de 128 kots et studios dans les anciens locaux de la police Mons-Quévy.

Par Frédérique Masquelier

 » Tout ce qui peut être assimilé à un kot se loue… On ne met même pas d’annonces, on a une liste d’attente  »

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