» Ciel, mes bijoux ! » Le cri de Bianca Castafiore va bientôt lézarder la quiétude du château de la Hulpe. Pour fêter ses 20 ans, Opéras pour tous s’offre, en création mondiale, une adaptation lyrique des Bijoux de la Castafiore de Hergé.
Pull-over bleu ciel, pantalon de golf, houppette à tout vent… Mille sabords, c’est Tintin ! A y regarder de près, c’est même un très jeune Tintin que campe Amani Picci. Ce soprano de 13 ans a été choisi pour incarner notre globe-trotter fétiche dans l’adaptation des Bijoux de la Castafiore, produite par Cédric Monnoye, directeur de l’asbl Opéras pour tous. Un peu jeunot pour tenir le rôle ? Pas forcément, si l’on admet que le maître de la BD franco-belge a toujours pensé son personnage comme un sur-enfant. Et puis, Tintin n’a pas d’âge, si ce n’est celui de ses lecteurs.
» J’ai découvert Tintin avec les dessins animés, c’est différent des albums « , sourit le petit chanteur de Gerpinnes. Indirectement, il exprime toute la difficulté d’adapter Hergé. Celui-ci a conçu son oeuvre en exploitant de façon optimale le potentiel de la bande dessinée. » Tintin, courant tournant la page « , écrivait joliment Michel Serres. Alors Tintin est-il soluble dans l’opéra ? » Nous relevons ce défi, soutient Cédric Monnoye, Les Bijoux constituent un album hypermusical, la Castafiore oblige ! » En outre, cet album occupe une place singulière dans l’oeuvre : c’est une non-aventure. Tintin a renoncé à courir le monde et, au bout du compte, rien ne se passe vraiment dans l’espace feutré de Moulinsart. » Ce huis clos est idéal pour le château de La Hulpe. En trois secondes, on est à Moulinsart et Haddock, incarné par le comédien Michel de Warzée, est devant nous ! »
Mais comment transposer ce récit décalé en une forme opératique ? » Plutôt que de miser sur une création musicale, nous avons préféré reprendre les grands tubes de l’opéra en y adaptant les paroles ad hoc, c’est le cas de le dire « , répond Cédric Monnoye. » En choisissant 25 airs archiconnus, on touche autant les tintinophiles que le public populaire. C’est pourquoi nous avons opté pour la forme » Ballad Opera « , dont les Anglais sont si friands. »
Il reste à préserver l’esprit de cette » ligne claire « , soit un style graphique épuré, dominé par la ligne de contour, mais aussi une manière efficace de gérer la narration. » La ligne claire permet d’exprimer des choses compliquées de façon très simple, explique François de Carpentries, auteur du livret d’après Hergé et metteur en scène. Fluidité du récit, précision du rythme et justesse des couleurs… C’est une harmonie qui exprime le chaos : nous avons essayé de transposer cela dans la mise en scène. » Il faut aussi prendre en compte le second degré et l’autodérision qui anime tout l’album. » Nous avons beaucoup travaillé l’humour, notamment sur le plan du traitement sonore, souligne François de Carpentries : les conversations téléphoniques foireuses y font figure de Skype préhistorique… Il ne faut pas négliger non plus la dramaturgie du texte. Cela passe aussi par l’intelligence des dialogues. Si on les lit en continuité, il en ressort un véritable potentiel d’opéra comique ! »
C’est à Hélène Bernardy qu’incombe la lourde tâche de camper la diva dévastatrice. » Hergé avait en tête le modèle de la Callas. Je m’efforce de le prendre à la lettre, précise la soprano. D’un côté, les fastes et paillettes de la diva et, de l’autre, beaucoup de fragilité humaine. C’est mon défi : restituer à la terrible Castafiore sa part d’humanité. »
Les bijoux de la Castafiore, comédie lyrique d’après l’oeuvre de Hergé, au château de La Hulpe, du 17 au 26 septembre. www.070.be/opera
Philippe Marion