La guerre des ondes Radios  » libres « 

Lobbying intense pour l’attribution des meilleures fréquences sur la bande FM : un ultime regain de politisation gâche les tra-vaux de la ministre Fadila Laanan.

Vous l’avez entendu toute la semaine. La guerre des ondes a bien eu lieu. Et les victimes présumées ont entonné leur chant du cygne.  » Signez la pétition de soutien à Mint !  » revenait comme une rengaine désespérée à l’écoute de la radio pop rock du groupe RTL, lancée il y a un an et demi à peine. Dynamique, diffusant de la bonne musique et donnant la parole à des chroniqueurs décalés, mais… déjà condamnée.

Depuis plus de dix ans, le gouvernement de la Communauté française s’avère incapable de pacifier la bande FM, où l’anarchie règne en maître, où des émetteurs  » cow-boys  » font irruption sans cesse et où le conflit communautaire entre Flamands et francophones débouche sur de sombres turpitudes. De l’ordre ! En fonction depuis 2004, la ministre de l’Audiovisuel Fadila Laanan (PS) rêvait de mettre cette plume à son chapeau. Corriger un vrai problème – la rareté des ressources ou plutôt des fréquences – en apportant des solutions durables. Pour ça, le cabinet de la ministre socialiste a conçu un  » plan de fréquences  » dont l’architecture est connue et (généralement) admise depuis le début de l’année. Une intervention logique sur un marché hautement concurrentiel, incapable de s’autoréguler. Outre les radios publiques de la RTBF, chouchoutées, il y aurait donc 4 réseaux  » communautaires  » émettant dans toute la Wallonie et à Bruxelles ainsi que 2 réseaux  » multivilles « , tous les 6 affectés aux concurrents du privé. Pour une dizaine de candidats ! Et les autres ? Ils seraient relégués au niveau provincial ou local, où les radios phares n’ont aucune chance de survivre. D’où ce cruel avertissement de la ministre Laanan, ces derniers jours :  » Oui, il y aura des morts. « 

Le CSA vraiment indépendant ?

Une architecture globale sensée, mais une mise en £uvre catastrophique.  » Je suis éc£uré, dit un spécialiste des médias. Ce n’est pas la qualité du  » produit  » ou la diversité qui comptent. Bien plus déterminant est le type de soutien dont jouissent les patrons de radio. On n’ose pas trop l’écrire dans les journaux – la plupart des grands groupes de presse, qui diversifient leurs activités, sont engagés dans la bagarre. Mais tout le monde sent bien que le MR soutient plutôt BFM et NRJ, que le PS aime Bel RTL et Fun, que le CDH garde un faible pour Nostalgie ou hésite à créer un incident pour sauver Ciel. Un marchandage sans envergure…  » Avant le couperet, intervenu cette semaine, Fadila Laanan jouait les vierges effarouchées.  » Je ne suis pas au courant des décisions finales « ,  » J’ai effectivement lu dans la presse que… « ,  » C’est vrai que ce serait triste de…  » La belle hypocrisie.

Officiellement, un organe indépendant a été chargé de répartir les fréquences, selon les principes ministériels. Il s’agit du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), présidé par Marc Janssen, ancien porte-parole du président du PS Elio Di Rupo, et dirigé par Jean-François Furnémont, jadis proche conseiller du président du MR Daniel Ducarme. Le CSA, un  » machin  » utile, dont on prétend assurer l’indépendance en appliquant la règle de la proportionnelle : autant de postes dans les instances de contrôle ou de direction, pour les partis politiques, au prorata des résultats électoraux. Très bien si les intéressés se hissent au-dessus de la mêlée, résistent aux pressions et dégagent des compromis visant l’intérêt général.

Mais les passes d’armes des derniers jours, les fuites organisées au sein du CSA, l’absence d’une communication digne de ce nom ont confirmé ce que les initiés avaient compris depuis belle lurette. La répartition des réseaux, éjectant Mint (RTL), Ciel Radio (groupe de presse IPM, éditant La Libre Belgique et La Dernière Heure) ou BFM (sans partenaire à ce jour), confortant néanmoins la position dominante de RTL et… de sa régie publicitaire IP, résulte d’un intense lobbying, où il est préférable d’avoir le bras long dans les hautes sphères politiques. A l’image d’une lame de fond qui secoue la Communauté française : la politisation y sévit comme aux pires heures de l’institution.

Sauf recours devant le Conseil d’Etat, la répartition des fréquences devrait être la suivante : Bel RTL, Contact, Nostalgie et NRJ sur les réseaux communautaires ; Fun Radio sur le seul réseau multivilles attribué à ce stade.

Philippe Engels

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