La grande révérence

A l’écart des modes, Pierre Lahaut est un artiste discret mais foisonnant. Affranchi de tout système, son parcours affiche une liberté insolente, parfois déroutante.

A l’écoute de son c£ur, Pierre Lahaut (Etterbeek, 1931) se découvre une vocation artistique à 21 ans. Un véritable tournant. Ses premiers tableaux – des natures mortes aux perspectives déformées et rendu pictural brutal – expriment une filiation manifeste avec l’expressionnisme. Mais bientôt, cette figuration des premiers instants se métamorphose en de grands tableaux abstraits lyriques. Inspiré par l’âpreté des rochers de l’entre-Sambre-et-Meuse, le peintre se risque dans une palette aux tonalités saturées, composée d’harmonies sourdes et rehaussée de cernes foncés. Autant de reflets de son âme tourmentée. Ces £uvres évoquent alors un monde minéral à l’atmosphère mystérieuse, sinon ténébreuse.

Objets non identifiés

Dans les années 1960, de retour au pays après un séjour à Paris, Pierre Lahaut se lance dans la réalisation de quelques collages avant de revenir aux grands formats abstraits à la gestualité soulignée. Empruntant une nouvelle voie, l’artiste s’oriente, dès 1974, vers la production de dessins minimalistes étranges où les êtres se perdent dans une lumière trop blanche. Quelques années passent et le paysage reprend sa place. L’artiste s’emplit les yeux de panoramas du Limousin, d’Auvergne et de Dordogne et les reproduit à son envie, les imprégnant d’une surréalité lunaire.

Constamment tiraillé entre différentes formes d’expression, Lahaut sent de nouveau grandir son désir d’abstraction. Lentement, il abandonne le paysage en faveur d’un espace complètement indéfini, privé de ses référents habituels. Les couleurs se font toutefois plus vives, plus palpitantes. Fidèle à ses allées et venues, le peintre renoue avec les natures mortes. Dans certaines, les objets que l’on croit d’abord reconnaître échappent après réflexion à toute identification. Vers 1995 apparaît un élément important : le cube transparent. Ce dernier s’effacera au bénéfice de formes élémentaires (croix, cercle, carré, losange…) mises en couleur et agencées dans l’espace. Dans cet univers simplifié, les ocres et gris vibrent parmi les roses et bleus profonds.

Ce glissement permanent du paysage vers la nature morte, de la figuration vers l’abstraction, et inversement, est un élément récurrent de l’£uvre de Pierre Lahaut. Inclassable, l’artiste fut aussi un enseignant presque incontournable puisque longtemps respon-sable du  » cours de dessin et d’imagination graphique  » à la Cambre (école nationale supérieure des arts visuels). Organisée à l’occasion de la parution d’une riche monographie éditée par le fonds Mercator, la rétrospective du musée d’Ixelles résonne singulièrement comme un hommage.

Pierre Lahaut, hommage, musée d’Ixelles, rue Jean Van Volsem 71, 1050 Bruxelles. Jusqu’au 22 janvier. www.museedixelles.irisnet.be

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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