La foi et le droit

Un ouvrage fondamental définit enfin, pour toutes les religions, les règles de vie en société et les prérogatives individuelles. Passages éclairants.

A l’heure où il est tant question de diversité ou de laïcité, de communautarisme ou d’assimilation, les esprits sages préféreront la connaissance à l’agitation. Entre les manipulations populistes et les hypocrisies de la bien-pensance surgit comme une priorité le besoin de savoir de quoi l’on parle avant de décréter telle ou telle solution. C’est en tout cas l’esprit des rédacteurs d’un ouvrage unique en son genre, le Dictionnaire du droit des religions. Dirigé par Francis Messner, directeur de recherches au CNRS et spécialiste comparatiste du droit des religions en Europe, il réunit les contributions d’une bonne centaine de juristes sur les sujets les plus brûlants de l’heure. De l’abattage rituel au mariage, en passant par le blasphème, le financement et le port de signes religieux, ce sont les adeptes de toutes les religions – et pas seulement les monothéistes – qui trouvent dans cette mine juridique une réponse adéquate à leur questionnement. Ce dictionnaire est une bible pour ceux qui cherchent à approfondir leur réflexion sur la tolérance et la juste voie pour parvenir à des règles de vie communes. C’est aussi un voyage à travers toutes les expériences européennes ou nord-américaines visant à réguler les pratiques religieuses. Un gisement d’intelligence qui donne tort à tous ceux qui simplifient à l’excès les approches pour imposer leur pensée inductive. Voici deux extraits – choisis parmi les sujets les plus chauds – qui livrent un bref aperçu de la qualité de ce travail, aussi monumental (800 pages) que particulièrement bienvenu.

2 Dictionnaire du droit des religions, sous la direction de Francis Messner. CNRS éditions, 790 p.

[EXTRAITS] Appartenance religieuse

 » L’appartenance religieuse est libre par principe, car elle ressort de l’aspect le plus intime, le plus personnel de la liberté de religion, le forum internum. Tous les textes internationaux le proclament expressément (liberté d’avoir ou de ne pas avoir de religion, de l’adopter ou d’en changer) ou implicitement, à l’exception de la Déclaration sur les droits de l’homme en islam du 5 août 1990 qui proclame que l’islam est « la religion de l’innéité ». [à]

Le respect de l’appartenance religieuse est absolu en tant que droit relevant du for intérieur. Cette appartenance ne saurait être érigée en principe d’identification. « 

Signes religieux

« [à] La protection de l’individu l’emporte sur celle de sa religion. En condamnant les discriminations fondées sur la religion (art. 2 et 26 PIDCP ; art. 2 de la Convention internationale des droits de l’enfant ; art. 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne), le droit international ouvre, en effet, aux législations nationales la possibilité d’interdire le port de signes religieux qui, en tant que signes d’appartenance et signes officiels de reconnaissance entre membres d’une même communauté dont ils expriment des vérités de foi, stigmatiseraient ceux qui, volens nolens, les portent et les montrent. Aussi la liberté de manifester sa religion comprend-elle celle de ne pas la révéler, le secret de la croyance et de la conviction étant protégé par l’article 9 CEDH (Comm. EDH, déc. 15 déc. 1983, C.c. R-U), ce qui tend également à prévenir toutes discriminations fondées sur la religion. « 

CHRISTIAN MAKARIAN

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