L’année de la crise de Louvain, PSC et CVP se séparent. Ce divorce annonce la fin des partis nationaux unitaires, d’où le peu de cohérence de l’Etat fédéral.
Le soir du 7 février 1968, la Belgique n’a plus de gouvernement. Lâché par l’aile flamande du parti social-chrétien alors que la tension liée à l’affaire de Louvain ne cesse de croître, Paul Vanden Boeynants a remis son tablier au roi. » C’est le début de la première crise politique belge de plus de cent jours, commente l’historien de l’UCL Vincent Dujardin. Le précédent record, de 66 jours, remontait à l’année 1965. Préoccupé par la longueur anormale de cette crise-là, Baudouin y voyait déjà un signe de la maladie de nos institutions. En 1968, plus inquiet encore, l’ancien Premier ministre social-chrétien Pierre Harmel dit à Vanden Boeynants, juste avant la chute de son gouvernement : »Si tu démissionnes, nous serons les fossoyeurs de la Belgique. » «
Les circonstances du départ de Vanden Boeynants sont révélatrices de l’état des esprits : les ministres sociaux-chrétiens flamands se sont sentis obligés de se solidariser avec le député Jan Verroken et les étudiants qui ont réclamé le départ de la section francophone de l’Université catholique de Louvain. Les ultimes tentatives de réconciliation sont vaines, tandis que les élections du 31 mars 1968 confirment, du côté flamand, la victoire du Walen buiten (la Volksunie passe de 5 à 12 sièges). Le scrutin est aussi marqué par la poussée du FDF et du Rassemblement wallon, tandis que les partis traditionnels perdent des sièges. » C’est l’attitude flamande qui donne du poids aux deux partis communautaires francophones, note l’historien de l’UCL. Quant à ceux qui portent la responsabilité de la chute du gouvernement, ils déchantent : comme l’Open VLD de 2010, le CVP de 1968 ne tire aucun profit électoral de son geste. »
Le gouvernement rouge-romain de Gaston Eyskens s’engage alors à » remodeler la Belgique » pour régler le contentieux communautaire. Entre-temps, l’expulsion de la section francophone de l’université de Louvain conduit le PSC à s’imposer comme parti autonome. » Après la séparation progressive entre le PSC et le CVP, libéraux et socialistes vont, eux aussi, se scinder, quelques années plus tard, en une aile flamande et une aile francophone « , rappelle Vincent Dujardin.
Pour l’historien, la création d’un Etat fédéral sans partis nationaux est une incohérence institutionnelle. » Nos législatives nationales sont devenues, dans les faits, des élections régionales. Les hommes politiques du nord et du sud du pays ne s’adressent plus qu’à leur communauté. Et les programmes des partis scindés ne concernent plus l’ensemble des Belges. «
O.R.