La Face cachée de Bernard Campan
Le comédien signe un premier film sobre et très touchant, sur la crise existentielle d’un homme qu’il incarne lui-même de manière émouvante.
Louis Danvers
Etonnant Bernard Campan ! L’ex-comique du groupe Les Inconnus (avec Didier Bourdon et Pascal Legitimus) avait déjà fait ses preuves dans un registre dramatique, notamment et surtout dans les deux très beaux films de Zabou Breitman, Se souvenir des belles choses et L’Homme de sa vie. L’exemple de cette amie actrice, passée avec bonheur derrière la caméra, aura-t-il instillé en lui l’idée d’en faire de même ? Toujours est-il que Campan vient de franchir le pas dans un film qu’il réalise tout en l’interprétant.
La Face cachée chronique la crise vécue par un couple, et plus particulièrement par François, dont le questionnement existentiel va tendre à masquer (d’où le titre) le trouble profond que vit simultanément sa compagne Isa. Comme nombre d’hommes entrés dans la quarantaine, le personnage écrit et joué par Bernard Campan s’interroge sur ce qu’il a vécu et sur ce qui lui reste à vivre, sur la validité de ses choix passés et sur le sens de ceux qu’il pourrait encore faire. Il verbalise son désarroi, avec humour parfois, mais des années de routine font que, si l’on s’entend encore dans son couple, on ne s’y écoute plus vraiment…
Face à une Karin Viard comme toujours impeccable de justesse dans le rôle d’Isa, Campan joue avec une belle sobriété un homme au bord de la dérive et de la dépression. Il a puisé dans son expérience personnelle, déclarant aujourd’hui que François est pareil à ce qu’il était lui-même voici dix ans. » Ma vision du monde a changé, mais je ne renie rien de celle qu’a François, car ce fut aussi la mienne « , déclare l’acteur et réalisateur de La Face cachée. Ce titre n’est venu que tardivement dans un long et complexe processus d’écriture où le scénario s’appela longtemps La vie est un rêve, d’après le proverbe persan qui énonce : » La vie est un rêve dont la mort nous réveille. »
» C’est cette peur de la mort qui va réveiller François « , explique Campan, qui décrit l’itinéraire de son personnage comme » une prise de conscience qui ressemble au bonheur « . Si la vérité du jeu, refusant tout effet facile, est pour beaucoup dans l’impact émotionnel du film, ce dernier expose aussi, discrètement, des qualités formelles sans lesquelles les meilleures intentions du monde resteraient théoriques. Certes avec moins de brio et d’audace qu’une Zabou Breitman, Bernard Campan use avec art d’une caméra tenue à juste distance, explorant remarquablement les vertus du recadrage, de la profondeur de champ. Les acteurs français passant à la réalisation n’ont pas fini de nous surprendre !
Louis Danvers
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