Un ancien ministre wallon MR sous les verrous, l’ancien comptable du sidérurgiste Duferco disparu, des sociétés offshore à profusion et des affaires de loterie qui tournent mal au Congo. L’enquête du juge Claise sur Serge Kubla ne manque pas de piquant.
L’affaire Kubla, c’est la chaudière carolo du MR, l’exotisme du Congo en plus. Lorsque le bourgmestre de Waterloo se voit décerner un mandat d’arrêt par le juge Michel Claise, le 24 février, l’opinion belge » découvre » que les parvenus ne sont pas l’apanage du Parti socialiste. Stupeur chez les libéraux dont l’une des grandes figures, l’ancien président du Sénat Armand De Decker, se dépêtrait déjà dans le sale bourbier du kazakhgate.
Serge Kubla passera deux nuits à la prison de Saint-Gilles. En cause : une histoire de corruption dans la chaleur moite de l’ancienne colonie belge. Il aurait joué le rôle de porteur de valises pour le groupe Duferco, désireux de se lancer dans les affaires au Congo via un premier investissement sur le marché des jeux de hasard qui finira par mal tourner. Pour cela, il fallait graisser la patte de hauts responsables de Kinshasa. C’est ainsi que Kubla est suspecté d’avoir glissé une enveloppe contenant 20 000 euros à l’épouse du Premier ministre de l’époque, Alphonse Muzito, dans un hôtel bruxellois. Et ce, à titre d’acompte sur une somme évaluée à 500 000 euros.
L’enquête a tout du polar sombre. Elle a démarré en 2014, à la suite de l’étrange disparition sous les tropiques de l’ex-comptable de Duferco, Stephan De Witte, toujours recherché, mais probablement mort. Le juge Claise a ensuite remonté le fil de l’écheveau en traçant de curieux mouvements de fonds. Il a ainsi découvert que l’ancien ministre wallon était grassement rémunéré pour les services rendus à Duferco, soit 240 000 euros par an, qu’il touchait, depuis 2009, via une société-coquille maltaise. Montants confirmés par l’intéressé qui jure les avoir déclarés au fisc belge. Deux patrons du sidérurgiste italien feront également un séjour derrière les barreaux et seront inculpés pour les mêmes faits de corruption. Dans leur sillage, une myriade de sociétés offshore par lesquelles aurait transité l’argent sale des commissions.
Quant au véritable rôle de Serge Kubla, il reste mystérieux. D’autant qu’en 2010 et 2013, celui qui était alors député wallon a retiré en cash 450 000 euros au guichet d’une banque luxembourgeoise, selon des révélations du Soir Magazine. Pour qui ? Pour en faire quoi ?
L’enquête tente aussi de voir à quand remontent les petits arrangements entre Duferco et Kubla. Ce qui sous-tend cette question clé : l’ex-ministre wallon de l’Economie, au sein du gouvernement Van Cauwenberghe, a-t-il aidé, avec d’autres, le sidérurgiste à empocher plus d’un demi-milliard d’euros de subventions dans les années 2000 ? A l’époque, en 2003, la Sogepa, bras financier de la Région, a créé une holding très discrète (la FSIH) pour prêter de l’argent à Duferco à l’insu de la Commission européenne. L’objectif avouable était de sauver 3 500 emplois. Mais tout cet argent a-t-il été utilisé sainement jusqu’au dernier euro ? La saisine du juge Claise se cantonnant au volet congolais, pas sûr que la justice se décide à démêler les fils jusque-là.
Thierry Denoël