Justice

Coincé par la politique d’austérité du gouvernement, Koen Geens, le ministre CD&V de la Justice, tente de réformer du mieux qu’il peut son département. Mais il doit affronter une tempête de critiques qui ne s’est pas calmée au fil des mois. Dur, dur.

Koen Geens est un peu comme Frans Laarmans, le héros de Willem Elsschot, figure majeure de la littérature flamande dont le ministre de la Justice est un amateur très érudit. Dans Kaas, Laarmans, modeste employé anversois, se retrouve avec dix milles boules d’Edam dans sa cave, qu’il doit écouler pour une société hollandaise s’il veut devenir riche. Son projet ira cependant de désillusion en désillusion. Si le ministre Geens ne vend pas de fromages, mais des réformes judiciaires, il n’en affiche pas moins la même ambition confiante que Frans, persuadé d’avancer sur le bon chemin. Mais, à l’instar du personnage romanesque, la désillusion le guette, tant, depuis le printemps, les acteurs du monde de la justice se déchaînent contre son plan.

Celui-ci vise essentiellement à rationaliser le fonctionnement des parquets et tribunaux, pour accélérer le cours de la justice mais aussi, et surtout, pour en diminuer le coût à tous les étages, personnel, bâtiments, analyses ADN, écoutes téléphoniques… L’objectif fixé dès le départ par le gouvernement Michel était de diminuer les frais de personnel de 4 % et les frais de fonctionnement, de 20 %. Lucide et compréhensif, lui-même juriste de profession, Koen Geens a réussi à cantonner la première réduction de 4 % à 1 % pour 2015. Cela n’a pas empêché les magistrats – le président de la Cour de cassation en tête – et aussi certains avocats de monter aux barricades pour combattre ces coupes claires. Avec un argument de poids : en Belgique, le budget consacré à la justice est déjà, proportionnellement au PIB, l’un des moins élevés (43e) des 45 pays du Conseil de l’Europe.

Le plan Geens contient, par ailleurs, un volet de réformes pénales, moins vilipendé : suppression des peines de prison d’un an, détention préventive muée en surveillance électronique pour les inculpés encourant une peine de moins de trois ans, correctionnalisation de la plupart des crimes jugés en assises, réduction du siège des cours d’appel de trois à un juge, encouragement du plaider-coupable comme aux Etats-Unis, etc. Ici aussi, les réformes doivent avoir un impact économique, mais elles sont mieux perçues car les procédures actuelles sont lourdes et Geens s’y attaque bravement. Sauf que l’accès à la justice sera plus difficile pour les moins nantis et qu’en matière de criminalité financière, le plan se caractérise par un vide sidéral.

Malgré les charges des magistrats et même s’il se montre parfois surpris, voire agacé, par la vigueur des attaques, le ministre CD&V n’a pas (encore) lâché son bâton de pèlerin. Il écoute attentivement tous ses interlocuteurs qu’il persuade de sa bonne volonté. Mais ça ne suffit pas. Le problème est que ses réformes sont dictées par la politique d’austérité de la majorité suédoise. Or, la justice ne peut être managée comme une simple entreprise. Fût-elle de fromages.

Thierry Denoël

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