Journaliste, toujours un métier d’homme ?
Pourquoi les femmes sont-elles peu représentées au sein de la profession ? Cette faible proportion a-t-elle des répercussions sur le traitement de l’information ?
En Belgique, moins d’un journaliste sur trois est une femme. Bien que les chiffres relatifs à la répartition des sexes par secteur de journalisme manquent, on sait qu’il y a davantage de femmes dans les rédactions audiovisuelles (31 %, en moyenne) qu’en presse quotidienne (25 %, en moyenne). Les hebdos, de leur côté, atteignent l’équilibre avec, par exemple, 50 % de femmes au Vif/L’Express et à Trends. Le pourcentage de femmes dans la catégorie des journalistes indépendants est semblable à la moyenne nationale en Communauté française (28 %). Mais, en Flandre, elles ne représentent qu’un cinquième des journalistes indépendants.
Contrairement à ce qui se passe en France et dans la plupart des pays européens, où on compte 40 % de femmes dans la profession, la féminisation est particulièrement lente en Belgique : au rythme actuel, il faudrait attendre encore trente ans pour que la profession soit composée à parité d’hommes et de femmes. A moins que la féminisation de la profession ne s’accélère, comme certains signes semblent l’indiquer : sur l’ensemble des journalistes professionnels agréés en 2006, 47 % sont des femmes.
Selon Martine Simonis, secrétaire nationale de l’Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB), » au-delà des données statistiques, il serait intéressant de chercher pourquoi il y a si peu de femmes journalistes malgré autant de diplômées, mais aussi pourquoi si peu de femmes occupent des postes à responsabilité et pourquoi aucune entreprise de médias ne juge utile de mettre en place un plan pour l’égalité des chances. Il faudrait aussi savoir quelle est l’ampleur du phénomène du harcèlement sexuel dans le secteur. Les questions sont nombreuses, mais tout le monde préfère croire que la profession se féminise naturellement et qu’il n’y a pas de problème « .
Quatre hommes pour une femme
Même si aucune étude sérieuse en Communauté française ne permet de cerner les causes de cette sous-représentation, Martine Simonis avance quelques hypothèses : la difficulté pour les femmes de progresser dans un lieu masculin, voire machiste, la pénibilité des horaires (prestations vespérales, de week-end) et le fait qu’ils sont difficilement conciliables avec la charge des enfants, encore généralement assumée par les mères.
La question se pose alors de savoir si le sexe du journaliste influence le traitement de l’information. Pour Nadine Plateau, membre de Sophia (réseau de coordination des études de genre), » ce n’est pas parce qu’il y a plus de femmes qu’il y aura automatiquement d’autres contenus. Les femmes comme les hommes doivent être plus sensibles, plus attentifs à la question du genre, et cela s’applique non seulement aux sujets » femmes « , mais aussi aux autres domaines « .
Quoi qu’il en soit, la profession traite très différemment les hommes et les femmes. Plusieurs études comparatives sur le plan mondial ont établi que quatre hommes apparaissent dans les journaux télévisés pour seulement une femme. En moyenne, 86 % des experts et des porte-parole interviewés sont des hommes. Ce que Nadine Plateau qualifie de » tolérance généralisée aux inégalités sexuées, plus forte qu’aux inégalités sociales ou raciales « . Et Martine Simonis de confirmer que » lorsque les femmes apparaissent dans un sujet d’information, c’est le plus souvent en qualité de victime ou de témoin, très rarement en qualité d’expert « . Le journalisme est donc encore un métier d’homme !
Ariane Estenne
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